https://iconographieflamande.wordpress.com/2015/04/26/lastronome-de-vermeer-la-poursuite-de-la-connaissance/
L’astronome de Vermeer : la poursuite de la connaissance
Au plus près de l’oeuvre :
L’Astronome est une huile sur toile de petites dimensions peinte par l’artiste hollandais Jan Vermeer en 1668. Ce tableau a pour sujet un savant à l’étude, éclairé par une lumière douce et latérale. Certains historiens de l’art reconnaissent en cet homme la figure d’Antonie van Leeawenhoeck, un naturaliste hollandais du XVIIème siècle. Vermeer choisit de traiter son thème non pas de façon narrative comme il était coutume de le faire en Italie mais plutôt de façon descriptive en représentant un homme entouré d’objets ordonnés. Cette œuvre permet de poser la question de la place des sciences dans l’iconographie et tout particulièrement de celle de l’astronomie qui connaissait une certaine renommée depuis le XVIème siècle, succès qui va ainsi se confirmer au XVIIème. Nous tenterons dans cet article de déterminer l’impact de cette science sur la nouvelle conception de la place de l’homme dans l’univers et de saisir la portée morale d’une œuvre qui, à première vue, en était dépourvue.
L’astronome, la science et l’individu
Le savant à l’étude est un thème récurrent de la peinture hollandaise, il fait échos aux avancées scientifiques de l’époque. Au XVIIe siècle, l’apparition des lunettes offre aux savants et aux peintres un champ d’exploration inédit, elles permettent d’apprivoiser le ciel. L’avènement de Galilée et de l’héliocentrisme fait prendre conscience à l’homme de sa place, de nombreux scientifiques tentent alors par divers moyens de comprendre cette nouvelle position. Les contemporains vont ainsi commencer à étudier le monde qui les entoure. L’individu tente de comprendre la place qu’il occupe dans un vaste ensemble en essayant de le maîtriser par les cartes, les instruments de mesure ou encore les livres d’astronomie, de cosmologie ou de géographie. Dans le tableau de Vermeer, l’astronome est absorbé par sa tâche, il ne laisse aucune place au spectateur. Il choisit d’accorder toute son attention au globe placé devant lui sur lequel il a posé sa main, le livre ouvert sur la table sert de guide pour comprendre les deux points qu’il mesure avec ses doigts. Ce geste est récurent dans les figures des astronomes, on en retrouve une alternative dans le tableau de Gerrit Dou qui choisit de traiter le clair-obscur comme son maître Rembrandt. L’astronome éclairé par la bougie, unique source de lumière, s’adonne à la mesure de la distance entre deux points à l’aide d’un compas tout en s’appuyant sur les informations que lui fournit le livre ouvert devant lui.
Les instruments du XVIIe siècle
Le tableau a fait l’objet de nombreuses études au cours des derniers siècles, ce qui a permis d’identifier avec précision chaque objet présent sur la table de l’astronome. Vermeer, dans un souci d’illusionnisme et d’exactitude, a représenté ces différents instruments à partir d’objets de musée qu’il avait empruntés ou simplement observés sur place. Le livre devant le personnage a ainsi pu être identifié comme la seconde édition du Manuel de Géographie et d’Astronomie d’Adriaen Metius de 1621 ouvert aux deux premières pages du livre III Observation des étoiles. La page de droite est couverte de texte, celle de gauche illustre l’utilisation de la roue de l’astrolabe présent à la base du globe devant le personnage. Ce livre était destiné aussi bien aux amateurs qu’aux professionnels et proposait un enseignement de l’utilisation des instruments liés à l’astronomie et à la géographie. Ces deux disciplines dépendaient d’une branche plus large nommée « cosmologie » et étaient bien plus complémentaires au XVIIe siècle qu’elles ne le sont aujourd’hui. En effet, l’astronomie était indispensable à la confection des cartes, puisqu’elle permettait de déterminer la latitude en pleine mer, par exemple. Dans l’introduction de son livre, Metius recommandait l’emploi des globes de Willem Jansz Blaeu, cartographe et éditeur à l’origine de la publication de cette seconde édition. Cependant, le globe qu’a choisi de représenter Vermeer dans son tableau est celui d’un concurrent direct de Blaeu : Jodocus Hondius. La connexion entre l’astrolabe, le globe et la section du livre est rendue par un lien plastique dans l’œuvre, les trois objets sont en contact les uns avec les autres.
Le Géographe, un pendant de ce tableau ?
L’Astronome a souvent été mis en lien avec Le Géographe et ces deux tableaux ont longtemps été considérés comme formant un diptyque cohérent. En effet, ils sont tous deux de la même taille et ont été peints au même moment. Même si cette hypothèse a été réfutée, ces deux œuvres présentent certaines similitudes intéressantes. Tout d’abord, ils constituent ensemble les deux seules représentations d’une figure masculine isolée de l’artiste. La composition et le choix de la palette chromatique très proches de ces deux tableaux, font de ces œuvres un dérivé profane du thème de Saint-Jérôme en étude.
Une lecture plus morale
Ceci nous conduit donc à la dernière interprétation qu’il est possible de faire de ce tableau. Nous avons vu précédemment que l’on pouvait l’envisager comme un tableau descriptif d’une époque où l’homme tentait de trouver sa place, il est cependant possible de donner une interprétation morale à ce tableau qui en semblait pourtant dépourvu. La peinture située contre le mur dans l’Astronome représente Moïse sauvé des eaux de Peter Lely. Moïse est considéré au XVIIe siècle comme le plus vieux géographe du monde du fait de ses nombreux voyages et descriptions de l’Egypte à la Terre Promise. La présence de ce tableau serait à mettre en rapport avec le passage du livre ouvert selon lequel « les enfants de Seth n’auraient pas seulement fondé la science des étoiles et la connaissance des paradis mais se seraient aussi assurés qu’elles soient transmises aux descendants »¹.
Par ailleurs, le tableau occupe la même place que la carte maritime encadrée dans le Géographe. Moïse et le support de la carte maritime mis en parallèle sont à comprendre comme des guides spirituels de l’homme à travers la vie. Finalement le tableau Moïse sauvé des eaux apporte une valeur emblématique à la toile de Vermeer. On s’éloigne peu à peu de la pure description pour l’allégorie.
Le tableau L’astronome de Vermeer prend alors une nouvelle signification et place le scientifique comme le guide spirituel de l’homme à travers l’existence.
Conclusion
L’Astronome de Vermeer offre plusieurs approches suivant les degrés de lecture. Il est possible d’y voir la description minutieuse propre à l’art hollandais d’un savant dans son office entouré d’objets scientifiques, ou encore la figuration d’une époque qui change, où l’homme tente de se faire une place et de maîtriser ce qui l’entoure. Finalement, ce tableau se teinte d’une valeur moralisante et illustre bien l’hésitation de cette époque qui n’ose se détacher totalement d’une conception divine du monde pour se diriger vers une pensée rationnelle et qui tente de se raccrocher à une compréhension rassurante du monde perçue à travers un prisme moral.
Clothilde Bollard-Duval
Bibliographie
- Notice de l’oeuvre du Musée du Louvre
- Documentaire image et musique de Pierre-Oscar Levy
- Arthur K. Wheelock jr., Vermeer, Paris, Éditions Cercle d’Art, 1983, collection « Les Grands peintres », 168 p.
- Site du Getty Museum de Los Angeles
- Interview d’Alexis Drahos « L’astronomie dans l’art » sur France Inter
- Jan Blanc, « Daniel Arasse et la peinture hollandaise du XVIIème siècle », Images Re-vues[En ligne], 3 | 2006, document 2, mis en ligne le 01 septembre 2006
- Encyclopédie Larousse L’astronome de Vermeer
Vermeer’s Astronomer: Observations on an Open Book James Welu The Art Bulletin Vol. 68, No. 2 (Jun., 1986), pp. 263-267
Niciun comentariu:
Trimiteți un comentariu