vineri, 17 septembrie 2021

holbein

 


La peinture pense II

Les Ambassadeurs
Hans Holbein le Jeune, 1533
"Non seulement la peinture raconte une histoire mais elle la pense"

 

E Gombrich (1)
huile sur panneau de bois 209 _ 207 cm National Gallery (Londres)

huile sur panneau de bois 209 _ 207 cm National Gallery (Londres)

Le tableau
La peinture représente Jean de Dinteville, à gauche, ambassadeur de France en Angleterre en 1533, date de la réalisation du tableau. À droite, se trouve son ami, Georges de Selve, évêque de Lavaur qui a été lui aussi occasionnellement ambassadeur auprès de l'Empereur romain germanique, de la république de Venise et du Saint-Siège. Les deux hommes, qui regardent le spectateur, sont accoudés à un meuble comportant deux étagères et sur lequel sont disposés plusieurs objets qui se rattachent au Quadrivium, les quatre sciences mathématiques parmi les Sept arts libéraux, soient l'arithmétique, la géométrie, la musique et l'astronomie. Sur l'étagère supérieure, on voit une sphère céleste, des objets de mesure du temps et un livre, disposés sur un tapis rouge aux motifs géométriques complexes. Sur l'étagère inférieure, un globe terrestre, deux livres, un luth et quatre flûtes réunies dans un étui. L'arrière plan est occupé par un rideau de velours vert dont un repli révèle, à peine, dans le coin haut gauche un crucifix. Le sol montre un pavage composé de cercles et de carrés où se détache une forme difficilement lisible, mais qui saute aux yeux tant elle semble hors de l'espace de la peinture et qu'on a souvent nommé l'os de seiche.
Jean de Dinteville est richement habillé d'un manteau de fourrure, il porte à la main une dague dans un étui, où son âge, 29 ans, est gravé, un béret sur la tête sur lequel est accrochée une broche comportant la représentation d'un crâne. Du noir de ses vêtements tranche le rouge des ses manches et de sa poitrine où pend à une chaîne dorée une médaille décorée d'un ange, la preuve de son appartenance à l'ordre de Saint-Michel. Georges de Selve est, lui, tout vêtu de noir, enveloppé dans un manteau de fourrure. Il porte une paire de gants dans la main droite et sa tête porte une coiffe. De Selve passe l'essentiel de son sacerdoce à travailler à la réconciliation au sein de l'Église. La peinture semble donc immortaliser la prise de fonction d'un ambassadeur français fraîchement nommé à la cour d'Angleterre et la visite que lui fait à cette occasion son ami. Ce premier regard jeté sur la peinture, une œuvre quasiment carrée, de plus de deux mètres de côté, amène deux réflexions : les deux hommes, sujets du tableau, n'en occupent pas le centre, ils sont déportés sur les bords, encadrant comme un écrin un ensemble d'objets qui semblent hétéroclites au premier abord ; à leurs pieds se trouve un objet étrange qui semble ne pas faire partie de la peinture, et qui en occupe en tout cas le premier plan, comme si Holbein avait utilisé ce portrait pour mettre en valeur, en avant, autre chose que les personnages qui donnent leur nom à l'œuvre, et dont l'un, Dinteville, est le commanditaire.
La peinture semble donc foisonner de symboles, d'indications cachées, de références, toutes choses normales dans la peinture de la Renaissance.

Le contexte politique et religieux de l'année 1533
Le paysage politique européen de l'époque est dominé par quatre figures majeures, les rois de France, François Ier et d'Angleterre, Henri VIII, l'Empereur romain germanique, Charles Quint et le pape Clément VII qui mourra l'année suivante. Fin octobre 1532, Francois Ier rencontre Henry VIII pour tenter d'obtenir son soutien contre l'Empire. Henri VIII, quant à lui, souhaite que François Ier use de son influence sur le pape Clement VII pour résoudre la question de son divorce avec Catherine d'Aragon, la tante de Charles Quint. Les rencontres sont chaleureuses, François offre à Anne Boleyn, qu'Henry VIII épousera cette année-même, un diamant et invite le fils naturel d'Henri, le duc de Richmond, à suivre la même éducation que ses fils à la cour de France.
Des cardinaux français mènent alors des négociations secrètes avec le pape pour soutenir la position d'Henri VIII. La décision de publication par le pape des bulles nécessaires à la nomination de Thomas Cranmer comme archevêque de Cantorbéry, semble indiquer que les cardinaux ont fait avancer le dossier d'Henri VIII auprès de Clément VII. Le 25 janvier 1533, Henri épouse en secret Anne Boleyn, en mars, François européen de l'époque est dominé par quatre figures majeures, les rois de France, François Ier s'en réjouit car cela symbolise une distance grandissante entre la maison d'Angleterre et celle de l'Empereur. Puis les évènements se précipitent, le 23 mai, Thomas Cranmer, maintenant archevêque de Cantorbéry, se substitue au pape et annule le mariage d'Henri VIII avec Catherine d'Aragon. Le 1er juin, Anne Boleyn est couronnée à l'abbaye de Westminster. Finalement, tout cela entraînera, le 23 mars 1534, l'excommunication d'Henri VIII par Clement VII et le schisme de l'église anglicane avec Rome. Durant la même période la France connaît aussi un certain trouble face aux thèses luthériennes

Promenade dans le tableau
 
Le pavage
Le pavage qui se trouve sous les pieds des ambassadeurs a été indentifié comme inspiré, avec une importante simplification, par deux pavages véritables qui partagent une certaine ressemblance. Le premier se trouve à l'abbaye de Westminster, le second à la Chapelle Sixtine, dans ce cas à une place symbolique, exactement sous la création d'Adam, le don de la vie par Dieu aux hommes.
pavage de Westminster.

pavage de Westminster.

 
Parmi tous les éléments qui composent le tableau, ce pavage est celui dont la raison symbolique est la moins sûre. Le pavage de l'abbaye comportait sur le carré extérieur du motif une inscription en lettres de bronze, aujourd'hui largement perdue, mais une transcription du XVe siècle permet d'en reconstituer le texte (Christi milleno dis centeno duodeno/ cum sexageno, subductis quatuor, anno,/ tertius Henricus rex, urbs, Odoricus et abbas hos compegere porphyreos lapidesqui fixe la date de son exécution à 1268, sous le règne d'Henri III d'Angleterre et indique le nom de son concepteur, l'artisan mosaïste romain Odoricus. Même si la signification précise de ce pavage reste largement mystérieuse, il est très certainement la représentation du macrocosme, un schéma de l'univers, le cercle central symbolisant dieu et les quatre cercles périphériques les quatre éléments - le feu, la terre, l'eau et l'air - et le choix par Michel-Ange de positionner sa création d'Adam au-dessus d'une représentation semblable dans la Chapelle sixtine ne semble pas l'œuvre du hasard. On retrouve la même schématisation symbolique de l'univers aussi bien sur le plafond de Raphaël pour la chambre de la Signature (Stanza della Segnatura) que dans le plan de Tycho Brahé pour son observatoire d'Uraniborg.
Nous avons donc deux hommes, le microcosme, placés sur le macrocosme symbolisé par le pavage, donc au centre de la création, et encadrant divers objets dont nous allons tenter de connaître le sens.

L'étagère inférieure



Cette étagère comporte plusieurs objets : un globe terrestre, un livre d'arithmétique de Peter Apian, mathématicien et astronome à l'université d'Ingolstadt en Allemagne, Eyn newe unnd wohlgründte underweysung aller Kauffmanss Rechnung in dreyen büchern (Un livre nouveau et fiable pour apprendre le calcul et destiné aux marchands, 1527) maintenu ouvert par une équerre, un luth dont l'une des cordes est cassée, un livre d'hymnes luthériens de Johannes Walther, Geistlich Gesangbuhli dans sa première édition de 1524, complètement ouvert sur deux pages qui montrent une partition et un groupe de flûtes. Les objets présents sur cette étagère, qu'il concernent la géographie, les mathématiques ou la musique, sont plus orientés vers la pratique de ces arts ou techniques que vers leur théorie.

Le globe
Basé sur celui que Johannes Schöner produisit à Nuremberg en 1523, il indique un certain nombre de notations « géopolitiques » comme la ligne de partage du monde entre Espagnols et Portugais établie par le pape Alexandre VI par le traité de Tordesillas de 1494. La circumnavigation de Magellan y est tracée. On y aperçoit aussi le Nouveau Monde, en particulier la côte brésilienne. Holbein a fait cependant quelques variations par rapport à l'original en particulier, il écrit «Pritannia» en lieu et place de «Britannia», la Bretagne, peut-être un rappel à une de ces touches de désordre qui émaillent la peinture et qui symbolisent le trouble du monde. Il indique sur la carte de France, l'emplacement de Policy, aujourd'hui Polisy, mais la faute est peut-être intentionnelle, dans l'Aube, le domaine seigneurial de Dinteville où le tableau est destiné à être installé.

Le livre d'arithmétique
La symbolique associée au livre de Peter Apian est probablement de deux ordres. Tout d'abord, livre à l'usage des marchands et consacré à la pratique de leur métier, il marque l'importance de l'émergence de la bourgeoisie dans cette période. Holbein fera d'ailleurs des portraits de riches marchands. Il manifeste aussi dans cette pratique marchande l'apparition de nouveaux outils mis à disposition d'un plus grand nombre par la technique révolutionnaire à l'époque de l'imprimerie. Le livre rappelle aussi que Georges de Selve descend d'une famille de marchands limousins qui a fait sa fortune au cours du XVe siècle et qui a ainsi permis à l'un des siens d'occuper la position d'évêque. La page lisible commence par le mot Dividirt, double sens de division mathématique mais aussi de division ou dysharmonie, tant dans l'église que dans le domaine politique, ce qui apparaît, en conjonction avec d'autres éléments de la composition, comme une des clefs du tableau. En effet, les écrits de Georges de Selve se font l'écho de ses inquiétudes devant la division dont souffre l'église, la Réforme luthérienne, mais aussi la création de l'église anglicane, dans le pays-même où est peint le tableau.

La musique

Albrecht Dürer (1471-1528).
Underweysung der Messung.
Nuremberg: Hieronymus Andreae, 1525.


L'étagère inférieure comporte dans sa partie droite trois objets reliés à la musique, un luth, un livre de psaumes et plusieurs flûtes rassemblées dans un étui qui révèle un emplacement vide. Baltrusaitis a remarqué que ce luth ressemble étrangement à celui de la gravure Underweysung der Messung d'Albrecht Dürer (1525) où celui-ci montre un dispositif de traçage des objets en perspective. On peut y voir la reconnaissance de la dette d'Holbein à la science de la perspective, un apport majeur de la Renaissance à la peinture, qui permet au peintre de réaliser des tableaux au réalisme si confondant. De plus, l'une des cordes est cassée, ce qui symbolise, comme le vide dans l'étui à flûtes, peut-être la période de troubles que connaît à cette époque l'église, une harmonie perdue.

Le livre de chants
Le livre représenté est le Geistlich Gesangbuhli de Johannnes Walther, un livre d'hymnes sacrés dont la première édition date de 1524. Comme pour le livre d'arithmétique, Holbein a choisi de présenter le livre ouvert à deux pages particulières qui ne sont cependant pas consécutives dans le véritable ouvrage. La page de gauche montre la traduction du premier verset de l'hymne Veni sancte Spiritus de Luther et le verso l'introduction à la Version abrégée des Dix Commandements du même Luther. Il est fort probable que le choix de ce livre et la juxtaposition de ces deux pages soient intentionnels, certainement le thème favori de Luther de l'opposition entre la Loi, représentée par les commandements, et la Grâce, symbolisée par l'hymne, une thématique qui semble avoir été proche des positions de Georges de Selve. Holbein exploitera ce thème dans deux autres œuvres, au moins, un panneau se trouvant actuellement à la National Gallery of Scotland et sur la page titre de la bible de Coverdale publié en 1535.
A l'arrière plan, on devine un compas à pointe sèche, en anglais divider, qui fait écho à la division du livre d'arithmétique.








L'étagère supérieure

La sphère céleste
Sur cette étagère supérieure, on trouve disposés sur un tapis divers instruments astronomiques ou de mesure du temps. George de Selve pose son coude sur un livre dont la tranche comporte la mention : ÆTATIS SVÆ 25 ce qui correspond à l'âge de Georges de Selve qui a 25 ans en ce printemps 1533. À gauche près de Dinteville, on voit une sphère céleste qui montre les constellations avec les tracés des êtres mythologiques correspondants. On discerne la constellation du Cygne qui est notée GALACIA.

Le globe céleste
Le globe n'est pas réglé pour représenter le ciel à la latitude de 51° 30' qui est celle de Londres où se trouvent les deux hommes mais pour une latitude comprise entre 42° et 43° plus caractéristique de l'Espagne - une partie de l'empire de Charles Quint - ou de l'Italie où réside le pape. On notera cependant qu'il s'agit d'une valeur très proche de la latitude de Rome (41° 52') et qu'elle rappelle les différends politiques et religieux entre la cour anglaise et le Vatican. On a fait remarquer aussi sa grande ressemblance avec celui construit en 1533 par l'astronome de Nuremberg Johannes Schöner et qui est aujourd'hui au Musée de la Science de Londres.

Les cadrans solaires
L'étagère supérieure comporte plusieurs cadrans solaires qui sont visibles dans une autre œuvre de Holbein, le portrait de Nicholas Kratzer, peint en 1528, cinq ans auparavant. L'un des cadrans est réglé sur une date, le 11 ou le 15 avril, deux dates entre lesquelles il est impossible de trancher. Comme l'affirme Foister, il n'y a aucune certitude de la présence de Georges de Selve à Londres au début d'avril, cependant le 11 avril était cette année-là le Vendredi Saint et pourrait faire un lien symbolique avec le crucifix et le livre d'hymnes. Près du coude de Georges de Selve se trouve un torquetum, un instrument décrit pour la première fois par Ptolémée qui était de nouveau fabriqué à cette époque, en particulier par Peter Apian qui était aussi un fabricant d'instruments renommé.













Le crâne et le crucifix
L'étrange figure qui se trouve au premier plan, et parfois appelé l'os de seiche, a longtemps intrigué les analystes du tableau. Notre œil acéré d'aujourd'hui, bien plus habitué à la lecture d'images, nous fait deviner qu'il s'agit d'un crâne fortement déformé par une anamorphose, mais il est probable qu'on n'en faisait pas une lecture aussi immédiate autrefois. On notera cependant que ce type d'images déformées était à la mode dans l'Angleterre des Tudors, la National Portrait Gallery de Londres possède d'ailleurs un portrait d'Édouard VI d'Angleterre par William Scrots qui utilise aussi une déformation par anamorphose que l'on corrige en regardant la surface du tableau au travers d'un trou dans son cadre.

Ces deux éléments conjugués évoquent plusieurs Saint Jérôme, celui de Joos van Cleve de 1525, et ceux de Dürer, en particulier l'huile sur panneau de bois de 1521, actuellement au Museu Nacional de Arte Antiga à Lisbonne. Dans cette dernière œuvre, le regard de Jérôme vers le crâne suit un axe assez proche de celui qui permet de lire l'anamorphose du crâne des Ambassadeurs. L'association entre le crâne et le crucifix évoque la passion du Christ, le golgotha - le mot hébreu pour crâne - et le calvaire - calvaria étant le mot latin avec la même signification. On trouve d'ailleurs fréquemment dans les représentations de la crucifixion, un crâne au pied de la croix, sur lequel coule parfois le sang du Christ qui lave ainsi, par son sacrifice, le péché originel.

On notera aussi que hohle bein signifie en allemand «os creux» et qu'ainsi ce crâne pourrait aussi être une référence au nom de l'artiste, une sorte de signature.
Le contraste de ce crâne avec le sujet principal de cette peinture qui représente deux hommes importants, un ambassadeur de France auprès de la cour d'Angleterre, dont le frère est lui-même ambassadeur auprès de la papauté et un évêque issu d'une famille de riches marchands, en fait une vanité, une œuvre qui symbolise que ce qui est important sur terre ne l'est pas dans le royaume des cieux, que ce qui a fait notre vie, la mort le défait.
Le crucifix, à moitié caché, dans une position intermédiaire entre ce qui est devant le rideau, le monde des hommes et ce qui est caché à leur regard, l'inconnu derrière la tenture, symbolise la position du Christ intermédiaire entre l'ici-bas et l'au-delà. Certains ont d'ailleurs vu dans ce tableau l'impossible représentation de Dieu.

Citation
« Un singulier objet, pareil à un os de seiche, flotte au-dessus du sol : c’est l’anamorphose d’un crâne qui se redresse lorsqu’on se place tout près, au-dessus, en regardant vers la gauche. Un sens caché et une solennité pèsent lourdement sur toute la scène.
Jurgis Baltrusaitis, Anamorphoses, ou Thaumaturgis opticus, Flammarion.
Car le secret de ce tableau, dont je vous ai rappelé les résonances, les parentés avec les vanitas, de ce tableau fascinant de présenter, entre les deux personnages parés et fixes, tout ce qui rappelle, dans la perspective de l’époque, la vanité des arts et des sciences, - le secret de ce tableau est donné au moment où, nous éloignant légèrement de lui, peu à peu, vers la gauche, puis nous retournant, nous voyons ce que signifie l’objet flottant magique. Il nous reflète notre propre néant, dans la figure de la tête de mort. Usage donc de la dimension géométrale de la vision pour captiver le sujet, rapport évident au désir qui, pourtant, reste énigmatique. »
Jacques Lacan, Le séminaire, livre XI, Les quatre concepts fondamentaux de la psychanalyse, Seuil

Détail des ambassadeurs

 
Jean de Dinteville, ambassadeur de France en Angleterre.
La dague sur lequel on peut lire l'age de Dinteville contraste avec le livre, ou l'on peut également lire une date, sur le quel est acoudé De Selve.
 
Bibliographie
▪ Jurgis Baltrusaitis, Anamorphoses ou magie artificielle des effets merveilleux, Paris, 1969
▪ Susan Foister, Ashok Roy, Martin Wyld, Making & Meaning: Holbein's Ambassadors, Londres, 1997
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la peinture pense III
Les ambassadeurs quelques détails;
tentative
 d'épuisement d'un tableau
L'étagére inférieure

Le globe

Basé sur celui que Johannes Schöner produisit à Nuremberg en 1523, il indique un certain nombre de notations « géopolitiques » comme la ligne de partage du monde entre Espagnols et Portugais établie par le pape Alexandre VI par le traité de Tordesillas de 1494. La circumnavigation de Magellan y est tracée. On y aperçoit aussi le Nouveau Monde, en particulier la côte brésilienne. Holbein fait quelques modifications ou variations, il écrit « Pritania » pour « Britania » la plus signifiant étant l?inclusion de la petite ville de Policy, la ville ou vit Dinteville.













Le livre d'arithmétique de Peter Apian


Peter Apian, Eyn newe unnd wohlgründte underweysung aller Kauffmanss Rechnung in dreyen büchern (Ingolstadt: G. Apianum, 1527)

Le livre d'arithmétique d'Apian fut écrit dans un langage vernaculaire et utilisa les nouvelles technologies pour sa diffusion. Il fut écrit principalement pour l'usage des marchands, comme de nombreux autres objets présent sur la tables.
Le choix de ce livre n'est pas un hasard, il montre les changements sociaux de cette époque, et montre l'expansion rapide de des marchands dans la bourgeoisie. Il rappelle également les origines de Georges de Selves descendant d'une famille de marchand  du Limousin. Il est a noté que le livre est ouvert à une page  ou l'on  peut lire le mot "division" choix relatif aux divisions politiques et religieuses de cette époque et faisant également référence au écrit de Georges de Selve concernant ces disharmonies religieuses.







L'agrandissement et la rotation du livre dans la peinture D'Holbein montre bien quil s'agit du livre d'Apian ouvert à la page division , dont voici , à droite une reproduction.





















Le livre des chants:


Comme le livre d?arithmétique , Holbein représente un livre spécifique ouvert à une page particulière.
Le plus étonnant est que les deux pages représentée sur le tableaux ne sont pas des pages consécutives dans le livre originale. Le verso, la page de gauche peut être identifiée comme la traduction par Luther du premier verset de l?hymne Veni Sancte Spiritus :

Kom heiliger geyst herregot/erfüll mit deiner gnaden gut/deiner gleubgen hertz, mut und sin/ dein brünstig lib entzünd in ihn/ O herr durch deines liechtes glast/zu dem glauben versamlet hast/ das volck aller welt zungen/des sey dir Her zu lob gesungen.

La page recto sur le coté droit est l?ouverture de la version raccourcie des dix commandements de Luther.

Mensch wiltu leben seliglich/und bei Gott bleiben ewiglich/Soltu halten die Zehen Gebot/ Die uns gebeut unser Gott.

La sélection de ces deux pages semble intentionnelle. Elle montre en effet le choix que fait Luther entre la loi et le chant sacré , ou entre la loi et la grâce. La loi selon les mots de Moïse dirige la vie externe de l?homme, proclame son abjection avant le courroux de Dieu. La loi fait apparaître la conscience du pêché.Le résultat de la désobéissance, l?homme est la proie de la mort et du diable. En revanche la bonne parole ; la parole du Christ s?adresse à la vie intérieure de l?homme lui promettant droiture et salut.
L?opposition entre le loi et la parole est un élément central de la théologie Luthérienne, justifié par la foie.Cette doctrine est développée dans la préface  des commentaires des Lettres de Paul aux Romains.Les écrits de Luther sur la justification par la foie trouve un parallèle signifiant dans les textes de Lefèvre D?Étaples et le groupe des évangélistes français. Les de Georges de Selve reflète l?importance de la question de la justification.
Ainsi réunir dans le tableau la paraphrase de Luther sur les dix commandements notamment le passage indiquant l?obéissance à la loi, en opposition à la traduction  de Luther du « Veni sancte Spiritus » invoquant la grâce de Dieu en écho aux évangiles, montre l?attachement de George de Selve à la paix spirituelle là ou tous se rejoigne dans l?union avec le Christ.
Le thème de La Loi et des Évangiles fut déjà illustré par Lucas Cranach en 1529, rendant le thème populaire. Holbein utilise également ce thème dans deux autres ?uvres, un panneau à la National Gallery of Scotland et la Première page de La Bible de Coverdale publiée en 1535. Une variation de ce thème fut également publiée en frontispice de la traduction du Nouveau testament par Lefèvre d?Étaples imprimée par à Antwerp par Martin Lempereur en 1530.


Le luth

Le luth présent sur la table au coté des flûtes et des étuis à droit du livre de chants représente la musique, l?une des quatre disciplines du Quadrivium. Par la représentation des instruments Holbein donne de l?emphase à la pratique en opposition à la théorie.
On peut remarquer la similitude entre le luth présenter dans le tableau et l?instrument utilisé par Albrecht Durer dans sa démonstration de la perspective magistralement gravée en 1525, Underweysung der Messung, où celui-ci montre un dispositif de traçage des objets en perspective. On peut y voir la reconnaissance de la dette d'Holbein à la science de la perspective
La corde cassée est une allusion au lut illustrant le frontispice du traité  D?Andrea Alciati : Emblematum Liber publié en 1531.
Alcciati écrit : « Il est extrêmement difficile pour l?étudiant de mettre à l?unisson autant de cordes, si une corde ne peut être accordée ou est cassée, la grâce du coquillage n?est plus et la meilleure des musiques n?est que faiblesse» Ce qui nous rappelle Nicolas de Cues qui dans son  De concordantia catholica écrivait : «  Par dessus tout le Roi sera un joueur de lut, qui sait comprendre?Qui préserve l?harmonie? et qui jamais n?accordera une corde trop haut ou trop bas, pour ne pas la brisée et trouver ainsi trouver l?accord parfait et préserver l?harmonie des sons. 1»

1-Nicholas of Cusa, Opera, III f. 75v, R. Klibansky, E. Panofsky, and F. Saxl, Saturnet la Melancolie.










L'étagére supérieure


Le livre
Georges de Selve pose son coude sur un livre sur la tranche duquel ce lit l?inscription suivante « AETATIS SVAE 25 » ce qui correspond à l?age de de Selve au printemps de cette année 1533.






Le globe céleste

Le globe montre les constellation sous leur forme mythologique. On peut remarquer la position centrale que prend la constellation du cygne dont l?inscription est « Galacia »
Le globe n'est pas réglé pour représenter le ciel à la latitude de 51° 30' qui est celle de Londres où se trouvent les deux hommes mais pour une latitude comprise entre 42° et 43° plus caractéristique de l'Espagne - une partie de l'empire de Charles Quint - ou de l'Italie où réside le pape. On notera cependant qu'il s'agit d'une valeur très proche de la latitude de Rome (41° 52') et qu'elle rappelle les différends politiques et religieux entre la cour anglaise et le Vatican. On a fait remarquer aussi sa grande ressemblance avec celui construit en 1533 par l'astronome de Nuremberg Johannes Schöner et qui est aujourd'hui au Musée de la Science de Londres.


Les cadrans
Un cadran similaire apparaît sur le coté supérieur gauche du portrait de Nicolas Kratzer peint en par Holbein en 1528
Un second cadran de papier apparaît en arrière plan. Les cadrans étaient utilisés pour mesurer la hauteur du soleil par rapport à l’horizon ce qui permettait de calculer l’heure.
Pour se faire un plomb fixé à fil donne la verticale en visant le soleil le fil se place devant les graduations du cadran ce qui permet de calculer la position du soleil. On voit l’ensemble de ces détails sur le premier instrument, en revanche en prêtant plus attention au second on s’aperçoit que ce dernier est mal assemblé ou alors mal représenté par le peintre ce qui rend son utilisation impossible. Le détail nous montre en effet qu’il n’y a pas erreur de la part du peintre mais c’est volontairement qu’il représente ce cadrant monté à l’envers. Ainsi l’un est correctement monté et permet la mesure, l’autre monté à l’envers, semblant juste ne donnera jamais la juste mesure.



























Les cadrans polyédriques
On remarque à nouveau en prêtant attention que les indications de temps inscrites sur les différentes faces des polyèdres ne concordent pas. Sur l’une des faces on peut lire 9.30 sur les deux autres 10.30. On s’aperçoit également que la l’attitude du gnomon ne ce situe pas dans le nord là ou se trouve Londres mais indique un latitude proche de l’Afrique du Nord. Ces erreurs nous rapprochent  de la corde cassée du luth, des erreurs précédente nous indiquant le thème du tableau la relation entre les limites humaines des sciences et de la nature finie de la nature humaine.
Le musée d’histoire des sciences possède des cadrans polyédriques dont la fabrication est attribué à Nicolas Kratzer.
Le polyèdre solaire fabriqué vers 1425 pour le cardinal Wolsey.

Le torquetum
Le torquetum est un instrument de mesure décrit pour la première foi par Ptolémée, il servait à déterminer la position des corps célestes et donnait le temps avec une certaine précision. Cet appareil est une construction complexe qui avait besoin d’être ajusté à la latitude au jour et à l’altitude. Il fut redécouvert au XIII éme siècle et pendant les Xv et XVI éme il vit une multitude de variation dans sa fabrication, mais peu nous sont resté. Certain d’entre eux furent conçut et fabriqué par Apian de Nuremberg l’un des maîtres de la matière et furent publié dans son Astronomicum Caesareum en 1540.







Le cadran cylindrique
A l’instar des autres instruments de mesure du temps ce cadran solaire cylindrique est représenté dans le portrait de Nicolas Kratzer.
Ce cadran solaire nous permet de voir ou de déduire que nous sommes entre le 11 avril et le 15 août. La date du 11 avril correspond en cette année 1533 au vendredi saint. Ce qui nous relie aux autres détails tel que l’acte de rédemption du Christ représenter par le demi crucifix ainsi que le livre des chants luthérien.











Le crâne

La représentation en premier plan du crâne explique l’essentielle finitude de l’homme et de la limitation de sa connaissance. A l’image des traditionnelles vanités le crâne est la pour nous rappeler la finitude de l’homme sujet au temps et à la mort. Le choix de la représentation anamorphique renforce cette idée. Ici Holbein semble opposé la vision humaine à la connaissance de Dieu. La vision humaine est nécessairement limitée par le temps et l’espace, alors que Dieu a connaissance de toute chose en tout lieu et en tout temps. Ainsi la représentation anamorphique du crâne nous indique que voir l’un (le crâne) déforme l’autre (les objets).
Le contraste entre la vision humaine et la vision de Dieu est inspiré par le texte de Nicolas de Cues : le Trialogus de possest.
« L’œil, le maître qui peut atteindre chaque chose sans tourner. Lorsque notre œil tourne lui même autour de l’objet c’est parce que notre angle de vision est limité. Mais l’angle de votre œil, O Dieu, n’est pas limité, mais infini, Derrière l’infini sphère de votre vision apparaît la sphère infinie de votre perfection. Ainsi tu vois comme un  dans le même temps toute choses en dessous et au dessus. »
De même Nicolas de Cues observe : « La précise équidistance entre les choses ne peut se trouver sauf dans le cas de Dieu, car Dieu seul est infinie égalité. Ainsi il est centre du monde , aussi centre de la terre, de toutes les sphères et de toutes chose du monde. » De docta ignorantia II.11

En plaçant ce crâne au centre du pavage, sur le sol Holbein nous signifie combien notre mortalité obscurcie la vrai vision de Dieu. En regardant dans le détail on s’aperçoit que Dinteville pose son pied droit au centre de l’un des cercles du pavage suggérant que cet homme est aussi le centre, mais un centre relatif et non le centre absolu.
«L’activité humaine consiste en la révélation  de chaque chose cachée derrière soit dans son propre champs circulaire, et de faire que chaque chose viennent virtuellement en avant du centre » Nicolas de Cues  De conjecturis II XIII. Dans son dialogue Idiota de Mente De Cues compare l’esprit humain à un compas de la vie(circinus vivus) qui peut prendre mesure de chaque chose. En revanche et par contraste le pied de De Selve caché par sa robe n’a pas une position très déterminé par rapport au sol  L’ambiguïté de ce positionnement de De Selve est sans aucun doute à sa fonction de clerc et d’émissaire, qui le place entre les sphères temporelles et spirituelles.

la peinture pense IV- en guise de conclusion...
Les ambassadeurs; quand le détail se voit!
Depuis l’origine de la construction légitime de l’espace pictural, telle quelle s’invente  à Florence avec les deux panneaux de l’architecte Brunelleschi, avant d’être adapté pour les peintres par Alberti, le corps du spectateur est pris en charge, mais c’est pour être réduit à n acte de présence incorporel, à un point de fuite  et du point de distance. Or ce qui s’annonce dans cette réduction ponctuelle, c’est la mise au point d’une géométrie de la visibilité, la constitution d’un domaine sans regard, le domaine de la science moderne qui ne voudra plus connaître des corps que dans un étalement qui les supprime.
En mettant en jeu le corps physique du spectateur, en l’amenant à se déplacer, à osciller d’avant en arrière, à s’éloigner, à s’approcher pour, à chaque étape et en chaque lieu, apprécier la peinture dans l’image, la nouvelle manière de peindre ruine le dispositif « régulier » qui légitimait la représentation en tant que savoir, représentation d’un savoir et savoir d’une représentation. Mais le détail qui appelait et retenait le spectateur trop près de l’image défaisait déjà le dispositif du tout ensemble. Aucun tableau plus que les ambassadeurs d’Holbein n’a construit aussi consciemment cette catastrophe du tableau à l’intérieur même du système qui le fonde,pour lui donner valeur morale.



Irreconnaissable, échappant au dispositif du point de vue qui règle l’ensemble, la configuration oblique qui flotte et règne sur le devant exige, pour être reconnue, que le spectateur considère la surface latéralement- qu’il perde donc le tableau pur identifier, dans cette anamorphose, une tête de mort, un crâne. Face à l’image, au savoir et à la dignité qu’elle représente, sur le devant de la scène, le détail demeure, au sens propre, une innommable obscénité. Pourtant ce scandale de détail ne vise pas à ruiner le message de l’œuvre ni sa fonction. Au contraire son éclat contribue à en désigner le sens. Il invite à percevoir le caractère illusoire des glorieuses évidences visibles.Pour voir le crâne et l’identifier comme tel, celui qui regarde doit en effet se placer sur la gauche du tableau, plus bas que son cadre, quelque chose comme à genoux de côté ; il doit adopter, dans la profondeur verticale de l’œuvre, un regard presque latéralement rabattu dans le tableau lui même. Celui qui regarde doit donc venir se placer exactement au pied du petit crucifix qui, de l’angle supérieur gauche, a le regard porté vers la configuration obscène. Or face au tableau, le Christ en croix constitue à son tour un détail, à peine visible cette fois, de profil, dans l’axe du point de vue . Resitué dans les coordonnées du tout ensemble dans le tableau, le Christ joue comme un souvenir du regard latéral qui avait fait voir le sens moral. Il signe un memento mori qu’énoncent d’autres détails aussi peu visibles, un médaillon à tête de mort sur le béret de l’ambassadeur Jean de Dinteville, car a tête de mort fait partie de la devise du commanditaire. Obéissant à la légitimité d’un regard autre, celui de l’œil moral, c’est cette mémoire de la mort que rappelle l’os creux (Hol Bein) avec lequel le peintre redouble, par une tache de peinture, la signature qu’il a écrite dans l’ombre du pavement, au pied du crucifié. Et il n’est pas indifférent qu’il ait pour signer, utilisé cet imparfait cultivé qui a l’élégance de supposer depuis Pline l’Ancien l’œuvre interrompue par la mort de l’artiste : JOHANNES HOLBEIN PINGEBAT.


Malgré sa taille et sa mise en évidence obscène, le crâne anamorphique des ambassadeurs est au sens plein du terme, un détail : découpé dans le tableau au point d’y faire tâche et d’y imposer la présence d’un regard déplacé, sa configuration est là pour faire écart dans l’image. Ce qui justifie ici l ruine locale du tableau n’est pas l’émergence de la peinture, mais le regard spirituel qui renverse catastrophiquement la gloire de ce savoir trop humain dont les instruments de science et e représentation portent témoignage au centre privilégier de l’image.
A la façon  d’un exemplum, le crâne des ambassadeurs  montre comment l’image et ses prestiges illusoires s’abolissent dès lors que l’œil s’est approché au plus près de la surface pour la scruter et interroger sa présence d’objet de peinture. Le dévoilement moral utilise la catastrophe que le détail fait subir au tableau quand le corps du spectateur quitte son point et disloque le dispositif de la construction régulière, et sa prétention à une vérité en peinture. Il ruine l’effet du tableau et fait surgir les dessous de la peinture
Nous pouvons également dire que le détail est cette demi représentation du crucifix caché derrière la tenture verte, Invisible dans son coin supérieure gauche. C’est pourtant au pied de se dernier qu’il faudra s’agenouiller pour comprendre le sens du détail central du tableau celui qui saute au yeux. Pourtant l’histoire nous l’avait appris, Le lieux du crâne est celui qui porta le supplice.

Ces deux éléments conjugués évoquent plusieurs Saint Jérôme, celui de Joos van Cleve de 1525, et ceux de Dürer, en particulier l'huile sur panneau de bois de 1521. Dans cette dernière œuvre, le regard de Jérôme vers le crâne suit un axe assez proche de celui qui permet de lire l'anamorphose du crâne des Ambassadeurs. L'association entre le crâne et le crucifix évoque la passion du Christ, le golgotha - le mot hébreu pour crâne - et le calvaire - calvaria étant le mot latin avec la même signification. On trouve d'ailleurs fréquemment dans les représentations de la crucifixion, un crâne au pied de la croix, sur lequel coule parfois le sang du Christ qui lave ainsi, par son sacrifice, le péché originel.
Ainsi pour percevoir ce crâne il faut s’agenouiller et se mettre de coté, se retirer du devant de la scène laisser la place à ceux qui nous vont nous suivre, pour éprouver, découvrir à leur tour le détail. Et connaître lorsque le détail se perçoit le commencement timide de la jouissance.







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