Ceci est le deuxième tableau du cycle de bacchanales Titian exécuté pour Camerino d'Alabastro de Alfonso I d'Este, duc de Ferrara.
Déjà le duc avait reçu de Bellini la Fête des Dieux (1514), par la suite modifié par Titian d'adapter le paysage à celui des autres peintures[1], et au cours des années plus tard, elle a travaillé là Dosso Dossi, peintre tribunal Ferrara. aussi Fra Bartolomeo et Raphael Ils ont été invités à peindre les toiles, mais les deux sont morts avant qu'il ne puisse offrir quelque chose; Raphaël en particulier a longtemps reporté la commission, par la suite ne laissant que des dessins, comme il est apparu que récemment, ont été utilisés par Dossi pour une Triomphe de Bacchus, redécouvert Bombay[2]. Titien peint pour le complexe d'un Camerini Christ de la pièce et Fête de Vénus, auquel a finalement suivi, après Bacchus et Ariadne, la Bacchanale Andrii.
Sur la genèse de la peinture et les autres dans la série il y a une correspondance étroite entre la cour d'Este, ses envoyés à Venise et l'artiste. Là, il apprend que Alfonso avait à plusieurs reprises demandant la livraison, reportée en raison de divers retards, causés en partie par ses propres exigences extraordinaires au peintre, qui l'a distrait des engagements pris, comme acheter des lunettes Murano, la restauration des peintures endommagées et présenter une gazelle John Cornaro (de propriété des animaux, mais en attendant la mort, et a été jeté dans un canal)[3]. Le même Titian a ensuite accepté d'autres postes, comme Polittico Averoldi, et il a tenté de rassurer l'attente d'envoyer le duc San Sebastian destiné à légat du pape Altobello Averoldi, Alfonso qui a refusé d'éviter d'irriter l'illustre prélat[3]. Seulement 30 Janvier 1523 Nous sommes organisés le transport de la toile finie, à travers le chemin de la rivière Po puis une épaule, par un portier, à Ferrare, suivi d'un soldat qui portait des troncs personnels prévu Titian pour le lendemain[3].
en 1598 avec la délégation de Ferrare État de l'Église et le transfert de la cathédrale (courte?) à Modena, le Camerini furent bientôt démantelé, avec des œuvres réparties entre le légat du pape aldobrandini et Borghese Cardinal[4].
Les toiles de Titien et Bellini en particulier pris fin all'Aldobrandini. Deux d'entre eux, Fête des cupidons et Bacchanale Andrii Ils ont été vendus à Ludovisi qui, quelques années plus tard, vers 1639, ils les ont envoyés à Philippe II d'Espagne grâce à l'intervention de Vice-roi de Naples dans le cadre du paiement de la Principauté de Piombino[5].
la Fête des Dieux et Bacchus et Ariadne Ils sont restés la propriété de aldobrandini jusqu'à ce qu'il a été vendu en 1796 à Vincenzo Camuccini, dont la mort toute sa collection a fini à l'étranger. Acheté par jour, en 1806 ou 1807, il a été amené en Grande-Bretagne, où, en 1826 Hamlet a acheté pour le musée de Londres[6].
La peinture a subi au moins deux fois par roulement irrespectueux, qui a eu des conséquences désastreuses pour la peinture. Depuis la fin de XIXe siècle sur, il a souvent besoin restauration pour arrêter le détachement du vernis: le dernier et le plus controversé, a été réalisée entre 1967 et 1968. En retirant une partie de pigment de pièces détachées est la surface d'origine se perd dans plusieurs endroits, nécessitant repeindre. Ceci est particulièrement visible dans le ciel, que selon de nombreux critiques apparaissent maintenant plat et pâle. Il a également soutenu que la composition avait perdu son équilibre des couleurs, parce que vous avez probablement Titian Il avait ajouté quelques émaux sur la surface, avec l'intention de rendre plus cohérente le résultat final[7].
DESCRIPTION ET LE STYLE
détail
détail
La représentation du mythe
La princesse crétoise Arianna, sur la plage Naxos, vagabonde amant désespéré pour le démarrage Theseus, Saluant le navire bien-aimé en proie qui a commencé et est visible en arrière-plan. Tout à coup, son attention est attirée sur la procession colorée qui vient à la rencontre: un char tiré par des guépards avances suivie satyres, Bacchantes, animaux et faunes. Il est le triomphe de Bacchus que le wagon, rencontrant des ressorts dont la fille a été immédiatement amoureuse: Titian représenté à la mi-saut qui est descendu du char, dans un plastique audacieux et dynamisme, mis en évidence par le tissu rouge qui enveloppe ondulant pour déplacer d ' l'air. Il représente le point d'appui de la scène, à laquelle est inévitablement attiré l'œil du spectateur[8].
Dans le ciel, quant à lui, il brille constellation en forme de tiare couronne, créé en l'honneur de la femme, la couronne lanciandone[3]. Le même acte de Dieu peut aussi être lu afin que le lancement de la couronne, citant peut-être une version de Discobole.
Le sujet provient d'un ensemble de sources classiques, y compris ovide[9], Catullo[10] et Philostrate vieux[11]. Ces sources comprennent deux rencontres entre Bacchus et Ariadne: dans le premier Dieu trouve après le départ de Thésée et les consoles et partit pour la 'Inde, tout en abandonnant ce maudit premier et second amant; dans le second Bacchus, de retour de l'Inde, encore une fois la console et porte avec elle dans le ciel tournant sa couronne d'or neuf pierres précieuses dans la constellation couronne. Il est clair que Titian unifié les deux moments, comme on le voit par la présence du bateau dans la distance de Thésée et la constellation déjà formé[8].
Mais la découverte de la peinture par Dossi du dessin de Raphaël, cependant, montre comment le reste de l'histoire a été fourni sur un autre tableau, représentant la Triomphe de Bacchus en Inde[12]. Un autre épisode des histoires était également présent dans le Bacchanale Andrii, Arianna où dormir nu Andros, Après une fête avec Bacchus où l'eau d'un ruisseau a été transformé en vin. La robe en plein désarroi et les amphores d'or abandonnés sur la plage Bacchus et Ariadne, en bas à gauche, à côté de la signature de l'artiste peut apparaître comme un lien entre les deux tableaux, développé presque simultanément[12].
La scène est construite le long d'une diagonale allant de Arianna à Dieu aux arbres de fond. Il divise le tableau en deux moitiés presque équivalent, un céleste, représenté par le dieu en arrière-plan du lapis lazuli bleu intense du ciel et de la terre, royaume Arianna. L'élan de Bacchus représente donc la jonction des deux hémisphères, selon le concept philosophique de l'harmonisation de ses extrêmes néoplatonisme[8].
la Procession
Le défilé qui suit le dieu inspiré par la tradition, désormais bien établie, la représentation des triomphes selon l'ancienne coutume. A Ferrare, il existait un exemple célèbre Salle des mois de palais Schifanoia. Chaque dieu de la mythologie avait un char tiré par un personnel paire d'animaux totémiques et en assurer le suivi particulier. Le cortège de Bacchus est précédé par deux guépards, comme dans la description de Catulle, qui ont été étudiées par ces bêtes dans les ménageries qui étaient communs dans les tribunaux italiens. Voici les personnages hétérogènes et tumultueux, souvent en état d'ébriété, se tordant de la musique, comme il est typique de bacchanales. Au loin, vous pouvez vous voir venir Silène, comme d'habitude le sommeil après les excès, à cheval sur un âne, entouré de satyres qui détiennent[8]. Ses cheveux est orné lierre, sacrée plante lui. A satyr au premier plan de maintien de la jambe d'un animal et maintenir thyrsus, un long bâton avec un cône de pin sur le dessus, couronné de feuilles de lierre et de vigne, qui a été dirigé par Dionysus et ses disciples[4].
Un homme en se tordant de premier plan attaqué par des serpents, probablement l'un de la citation érudite le Groupe Laocoon creusé dans les années et l'objet d'un intérêt énorme[8].
Au premier plan, on peut voir les restes d'animaux, déchirés en morceaux pendant les festivités. Un petit chien est probablement le portrait d'un animal de la cour de Ferrare Société[8].
Le sens général de la peinture n'est pas, cependant, condamnant les excès, mais souligne plutôt ludique dimension dionysiaque comprise comme la libération des soucis du monde, un thème que le duc a choisi explicitement dans son étude où evadeva du bureau politique[4].
TECHNIQUE
Titian au cours de la couche de peinture est aidé avec le dessin ci-dessous, mais dans certains cas, de manière cohérente aussi très variées quelques chiffres, comme Arianna. Ces changements au cours de la construction ont été parmi les raisons des retards qui se sont plaints du client, ainsi que la popularité croissante du peintre et l'utilisation de l'atelier relativement faible dans les travaux de cette période[8].
Le travail est l'un des exemples les plus connus de couleurs riches à leur disposition les peintres vénitiens, un accès facile au meilleur emporium mondiale de ces matières premières. en Bacchus et Ariadne En fait Titian a réussi à exploiter à la perfection un peu tous les pigments à la disposition du temps, la qualité la plus précieuse: vert malachite, terre verte, verdigris et résinate de cuivre, bleu outremer utilisé avec abondance, azurite, rouge vermillon (Finement broyée dans le voile de Ariane sur une couche de mouture grossière, légèrement plus foncée) réalgar pour la robe de suonatrice d'orange cymbales[13].
Bacchanale des Andriens (1523-1524) de Titien
25 DÉCEMBRE 2016
Titien, Bacchanale des Andriens (1523-1524). 175 cm × 193 cm. Musée du Prado, Madrid. Zoom : cliquez l’image.
La scène se déroule dans l’île d’Andros, et représente les effets du vin qui coule à flots dans le lit d’une rivière créée par le dieu Bacchus. La nymphe apparaissant au premier plan de cette composition agile et sinueuse, qui s’inspire de la sculpture classique « Ariane », constitue l’un des nus les plus osés de la peinture Renaissance. Le morceau de partition que l’on aperçoit en bas au centre et dont les paroles se réfèrent à la célébration du vin par les hommes et les dieux, a été attribué au musicien flamand Adriaen Willaert. La toile a été réalisée, tout comme « L’Offrande à Vénus », entre autres, pour le fameux « Camerino de alabastro » d’Alphonse Ier d’Este à Ferrare. En 1598, l’ensemble de la collection fut transférée au palais Aldobrandini, pour être finalement remise par Niccolo Ludovisi à Philippe IV en 1637.
Aujourd’hui, nous observons une peinture réalisée entre 1523 et 1524 par Titien pour le camerino d’Alfonso d’Este, grand mécène de son temps. C’est une huile sur toile de 175 x 193 cm, conservée à Madrid, au Musée du Prado. Intitulée la Bacchanale des Andriens, son programme iconographique relève d’une source écrite antique, la description d’une peinture dans la galerie de tableaux imaginés par Philostrate l’Ancien.
« Le Titien alliait la grandeur et le côté terrible de Michel-Ange à la grâce et élégance de Raphaël et aux couleurs propres à la nature. » Ludovico Dolce.
Invité : Philippe Morel.
*
La figure de Bacchus ou de Dionysos incarne et résume un faisceau d’idées, d’évolutions et d’aspirations caractéristiques de la Renaissance, période au cours de laquelle on a cherché à renouer plus étroitement avec l’héritage antique et certaines de ses valeurs, à relativiser ou à redimensionner la place du christianisme pour des registres existentiels qu’il avait souvent disqualifiés, et à explorer les parentés multiples qui faisaient s’entrecroiser des composantes culturelles païennes et chrétiennes. Bacchus n’est pas que le dieu de l’ivresse, compagnon de tous les plaisirs, notamment de la danse et de l’amour ; il préside à la fertilité sous toutes ses formes : agricole et humaine, mais aussi littéraire ou artistique. Il est la source ou le symbole d’une inspiration qui sert régulièrement de miroir aux peintres et se fait parfois principe de contemplation philosophique et métaphysique. Divers artistes parmi les plus célèbres de la période, tels Bellini, Titien, Michel-Ange, Raphaël, Caravage, Rubens, ont exploré ces potentialités à travers des œuvres majeures d’où ressortent les fonctions multiples et souvent paradoxales, propres à la sphère dionysiaque. Elles relèvent en effet aussi bien de l’excès que de la tempérance, du burlesque que du philosophique, du populaire que de l’aristocratique, de la trivialité que de l’élévation, de la vie que de la mort. Ainsi, l’antique divinité chtonienne s’est transformée en vecteur et incarnation du salut, et ce rapport à l’au-delà, un artiste comme Donatello va savoir génialement le renouveler dans une perspective chrétienne. Au-delà d’une redécouverte élargie et d’une réinterprétation variée de la culture antique, la Renaissance a ainsi travaillé à une fusion de ces traditions apparemment contradictoires, comme à une remise à jour de ce qu’il y a de profondément païen dans le christianisme, à un retour du refoulé dionysiaque tel qu’il ressort des thèmes iconographiques du pressoir mystique ou du Christ-vigne.
Philippe Morel est docteur d’État, professeur d’histoire de l’art de la Renaissance à l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne, membre de l’Institut Universitaire de France, de l’Academia Europaea et de l’Accademia delle Arti del Disegno. Il est l’auteur de nombreux articles et de plusieurs ouvrages dédiés à l’art italien de la Renaissance, en particulier : Les grotesques. Les figures de l’imaginaire dans la peinture italienne de la fin de la Renaissance (Flammarion, 1997) ; Les grottes maniéristes en Italie (Macula, 1998) ; Mélissa. Magie, astres et démons dans l’art italien de la Renaissance (Hazan, 2008).
Titien, Bacchanale des Andriens (1523-1524). Détail. Zoom : cliquez l’image.
Titien, Bacchanale des Andriens (1523-1524). Détail. Zoom : cliquez l’image.
Le Titien - La Vénus d'Urbin - Daniel Arasse
Publié le 2 Septembre 2017
Venus of Urbino
La Vénus d'Urbin a été peinte par Le Titien en 1538. Le Titien a 50 ans quand il peint cette oeuvre qui est son premier nu couché. Il est à l'époque l'un des plus grands peintres de la Renaissance vénitienne. Le nombre de nus féminins qu'il peint et celui que son atelier copie sont considérables. Il est l'un des grands inventeurs du nu féminin européen.
La Vénus d'Urbin répond à une commande précise et est extrêmement médité. Titien prend exemple sur La Vénus de Dresde de Giorgione, qu'il choisit de transposer à l'intérieur d'un palais, l'original est représenté au milieu d'un paysage de campagne.
La Vénus de Dresde de Giorgione
Le tableau de Titien représente une jeune femme nue, dans la même position que dans le tableau de Giorgione, à ses pieds un chien dort. Elle est étendue sur un lit dont le drap est légèrement relevé et dévoile les deux matelas rouge du lit. A l'arrière-plan, dans la moitié gauche figure un rideau sombre, à droite on découvre une salle de palais comprenant un dallage en perspective, des tentures aux murs et deux servantes qui s'affairent auprès d'un coffre. L'une d'elles est à genoux, l'autre debout porte la robe de Vénus. A côté une fenêtre, un pot de myrte et une colonne, derrière l'évocation de la nature et le ciel.
On voit ici l’enchaînement des espaces et des éléments de compositions : 1,le lit , 2 le rideau, 3 la salle et les deux servantes, 4 le mur de façade avec sa fenêtre et enfin 5 l'extérieur, la nature et le ciel. Cet enchaînement est accentué par l'effet de la perspective du sol de la salle du palais qui donne au tableau toute sa profondeur.
On peut se demander comment sont liés les deux espaces principaux: le lit et la salle. Il a fallu du temps à Daniel Arasse pour identifier que ces deux espaces ne sont pas liés mais juxtaposés. D'ailleurs se ne sont pas deux espaces, mais deux lieux: celui du lit, avec la jeune femme nue et le chien et l'arrière plan de la salle du palais. Entre les deux le rideau qui sépare les deux lieux, ce rideau sombre parfaitement plan, dont les plis sont imperceptibles et la limite basse parfaitement verticale vient juste à l'aplomb du sexe de Vénus au premier plan.
Venere di Urbino 165 cm × 119 cm Galleries des Offices, Florence
Par ailleurs le plan du sol de la salle passe au-dessus du lit: si on prolonge le carroyage du sol en perspective on observe tout de suite que le lit est posé sur un sol plus bas que celui de la salle.
Pour Daniel Arasse il y a donc deux représentation qui se superposent, il n'y a pas de lien entre l'espace du lit et celui de la salle, sauf à dire que Vénus dort sur deux matelas à même le sol dans une chambre en contre-bas du reste de sa demeure.
Le lit de Vénus n'est donc pas dans le palais.
Venus de Urbino
Le tableau se compose donc d'un corps de femme magnifique, paradisiaque selon Arasse, au premier plan et à côté dans le fond un tableau dans le tableau: la salle et les deux servantes.
Cette salle nous donne notre place par rapport au tableau, du fait de l'effet de perspective, il place le spectateur en face du tableau. Le corps de Vénus n'occupe aucun espace défini si ce n'est la toile. Le lieu du corps de Vénus c'est la surface de la toile. Et de là elle nous regarde, son regard étant perpendiculaire au plan du tableau on à l'impression constante que la Vénus d'Urbin nous regarde. Le nu n'a d'autre lieu que la surface de la toile.
La Vénus d'Urbin
D'après Histoire de peintures de Daniel Arasse, illustrations: Lankaart.
Musée du Louvre, Paris. 1520 "Titien est l'inventeur d'un type de portrait dont la force psychologique réside dans l'attention portée à l'expression. Le contraste entre le fond et le vêtement ...
Chef d'oeuvre de coloration, la "Vénus et l'organiste" du Titien exprime le triomphe de la beauté sur la musique et les arts. Des Venus du Titien Paul Valéry disait : " On sent bien que pour le ...
auteur(s) : Titien, Tiziano Vecellio dit (vers 1488-1576)
dimension : H. 119 cm ; L. 165 cm
matériaux : huile sur toile
technique : peinture
datation : 1538
lieu de conservation : Italie, Florence, Galerie des Offices
LA COMMANDE : « UNA DONNA NUDA »
Dès les années 1530, Titien, peintre le plus célèbre de Venise, commence à recevoir des commandes prestigieuses hors de la Lagune. Grâce au soutien de son ami, l’écrivain L’Aretino, il est en contact avec les grandes familles d’Italie et travaille pour le duc de Ferrare, les Gonzaga de Mantoue et Francesco Maria della Rovere, duc d’Urbino. En 1536, il peint pour ce dernier son portrait et celui de son épouse, Eleonora Gonzaga, ainsi que le tableau d’une jeune femme vénitienne, intitulé La Bella[image 1]. Deux ans plus tard, leur fils Guidobaldo, âgé de 25 ans, commande à son tour son portrait à Titien et lui demande une version dénudée de La Bella, « una donna nuda » [image principale]. Le tableau est livré l’année même de la commande, en 1538.
UN TABLEAU AUTOUR DU THÈME DU MARIAGE
Titien, alors âgé de 50 ans, peint pour la première fois un nu monumental en dehors de tout contexte narratif. À ses débuts, en 1510, il avait achevé et modifié le tableau de son maître Giorgione, Vénus endormie, après la mort de celui-ci. Cette toile montre la déesse de l’amour et de la beauté allongée dans un paysage, endormie, peut-être absorbée par un songe. Titien s’en inspire en 1538 pour son tableau, reprenant le principe d’un nu presque grandeur nature, allongé au premier plan ; mais il transpose la figure dans un intérieur palatial et la représente les yeux ouverts, regardant le spectateur. Le tableau de Giorgione avait été peint à l’occasion d’un mariage ; la version de Titien présente un faisceau de symboles traditionnels de l’amour conjugal : les cheveux lâchés (coiffure des Vénitiennes le jour de leurs noces), le petit chien endormi (symbole de fidélité) et, à l’arrière-plan, le myrte en pot (plante à feuillage persistant, symbole de la constance) posé sur le rebord de la fenêtre ainsi que les deux coffres de mariage, appelés cassones [image 2], où des servantes semblent chercher ou ranger des vêtements.
Depuis le XVe siècle, des représentations d’hommes ou de femmes nus peuvent orner l’intérieur du couvercle de ces coffres. S’inspirant de ces images, Titien semble avoir composé un tableau empli d’allusions au mariage, au moment même où la jeune épouse de Guidobaldo atteint l’âge de la puberté. À défaut d’avoir été commandée à l’occasion du mariage, cette image a pu faire partie de celles que l’on exposait dans la chambre des époux, censées favoriser la fertilité.
« UN GRAND FÉTICHE ÉROTIQUE » (D. ARASSE) ?
Inconstestable, la symbolique matrimoniale ne saurait cependant résumer à elle seule le sens du tableau. En effet, il s’avère que maints symboles sont ambivalents. Ainsi, le bouquet de roses que la jeune femme tient dans la main droite, attribut traditionnel de Vénus, est à la Renaissance une allusion à l’offrande sexuelle lorsque les fleurs sont associées à la nudité de la poitrine. On en trouve trace dans la poésie de Boccace et dans un autre tableau de Titien, Flore[image 3]. De même, le chien endormi peut être associé à la luxure ; ainsi, lorsqu’il peint Danaé en 1553, Titien figure le même chien sur le lit de la jeune femme, au moment où celle-ci est fécondée par Zeus transformé en pluie d’or.
Il semble plutôt que Titien ait inscrit son nu dans une série de portraits allégoriques peints à Venise sous la dénomination générique de « Belles », présentant sous les traits de divinités des courtisanes à la beauté idéalisée, vêtues ou non, et très appréciés par les collectionneurs. Le statut des épouses dans la Venise conservatrice du XVIe siècle étant des plus stricts, les courtisanes constituent une alternative pour les hommes à la recherche de plaisir charnel (proscrit entre époux) et pour les peintres en quête de modèles. Ainsi, l’ample chevelure blonde tombant sur les épaules peut tout aussi bien renvoyer à la sensualité des courtisanes. Nombre de ces femmes, cultivées, talentueuses et émancipées, vivent dans des palais. L’intérieur peint au second plan pourrait donc en évoquer un, de même que les cassones qui peuvent se trouver dans leur chambre. S’il s’agit bien de l’image d’une courtisane, le geste de la main gauche, dont les doigts sont enfouis dans l’ombre de l’aine, peut être compris comme une invitation explicite au plaisir sexuel. Ce geste des plus audacieux est repris une seule fois par Titien, dans la Danaé de 1553, mais par aucun autre peintre.
UN SCANDALE JAMAIS DÉMENTI
Conservé dans les collections de la famille d’Urbino, le tableau est admiré en 1548 par Vasari qui est le premier à qualifier cette femme de Vénus. En 1600, le duc d’Urbino, choqué par son sujet, ne le montre que de mauvaise grâce, confessant qu’il ne le conserve que parce qu’il est de la main du célèbre Titien. Passé dans la famille Médicis à la mort du dernier duc d’Urbino, il se retrouve dans les collections des Offices où il est caché par un autre tableau jusqu’en 1784, et montré en de rares occasions. Il devient un objet de curiosité, apprécié par les amateurs affluant de toute l’Europe pour accomplir leur grand tour et par les artistes qui en effectuent des copies largement diffusées. Jugé obscène au XIXe siècle, il inspire à Édouard Manet sa célèbre Olympia[image 4], courtisane moderne au regard et au geste non moins provocateurs.
Tiziano Vecellio, dit en français Titien
encyclopédie Larousse
Peintre italien (Pieve di Cadore 1488 ou 1489-Venise 1576).
1. UN PEINTRE DE DIMENSION INTERNATIONALE
1.1. LA SOCIÉTÉ VÉNITIENNE
Titien appartient incontestablement à l'école vénitienne, dont il a été l'un des chefs de file au xvie s. Cependant, à la différence d'un Tintoret, voire d'un Véronèse, son activité ne s'est pas exercée entièrement dans le cadre de Venise ou de la Vénétie, et une visite de Venise ne permet pas d'en avoir une vue d'ensemble ; elle a débordé largement ce cadre, prenant des dimensions italiennes et même européennes. La société de Venise – gouvernement, familles patriciennes, églises, scuole – occupe une grande part dans l'œuvre de Titien.
1.2. LA FAVEUR DES COURS EUROPÉENNES
Toutefois, le renom du peintre, longtemps entretenu par la plume de l'Arétin, dont il fut l'ami, lui valut la faveur des cours : cours princières de l'Italie (Ferrare, Mantoue, Urbino) ; cours pontificale et de la famille Farnèse, à Rome et à Parme ; cour des Habsbourg surtout, à partir de 1530 environ, grâce à la protection de Charles Quint puis de Philippe II d'Espagne. Peintre de cour, et de stature internationale, Titien a fait des voyages lointains, notamment à Rome en 1545, à Augsburg en 1548 et en 1550. L'étendue de sa clientèle est pour beaucoup dans le fait que son œuvre se partage très largement entre les grands musées du monde, le Prado de Madrid et le Kunsthistorisches Museum de Vienne venant en premier lieu. Venise et les villes placées autrefois dans la sphère vénitienne ont gardé surtout les grandes peintures religieuses.
La carrière de Titien présente un autre trait dominant : sa longueur. Avec la capacité de renouvellement qui fut toujours celle du maître, on comprend que l'œuvre accuse une évolution très sensible.
2. À LA RECHERCHE D'UN STYLE
2.1. L'INFLUENCE DE DEUX MAÎTRES
Venu très jeune à Venise, Titien entra dans l'atelier de Giovanni Bellini ; puis il devint le disciple de Giorgione, avec qui il se mesurait dès 1508 dans la décoration à fresque, aujourd'hui à peu près disparue, du Fondaco dei Tedeschi. L'influence de ces deux maîtres, du second surtout, a évidemment marqué la formation de Titien.
Dès le début, cependant, celui-ci prit ses distances avec le giorgionisme, grâce à un tempérament robuste et plus enclin au ton héroïque qu'au lyrisme intime. C'est ce qu'atteste son premier grand ouvrage, de 1511, les fresques de la scuola del Santo de Padoue, qui illustrent trois miracles de saint Antoine et où les oppositions de tons accusent le relief des formes. Vers la même époque, avec le Saint Marc trônant entre quatre saints (église Santa Maria della Salute à Venise), Titien reprend avec plus d'assurance le schéma de la Pala de Castelfranco de Giorgione.
2.2. LA BEAUTÉ FÉMININE
D'autres compositions, comme le Concert champêtre longtemps attribué à ce maître (Louvre, Paris) ou le Noli me tangere (National Gallery, Londres), placent les figures au sein d'une nature poétique, dans l'esprit du giorgionisme, mais sans laisser une aussi grande part à l'imprécision du rêve. Des figures à mi-corps (vers 1515), Salomé (galerie Doria, Rome), Flore (Offices, Florence), chantent déjà voluptueusement la beauté féminine. Elles nous conduisent à un chef-d'œuvre, l'Amour sacré et l'Amour profane (galerie Borghèse, Rome), tableau dont le sujet reste mystérieux ; une lumière cristalline y baigne les figures, qui, appuyées à un sarcophage sculpté, se détachent harmonieusement sur le fond de paysage.
3. L'AFFIRMATION DU GÉNIE
3.1. LA GRANDE PEINTURE RELIGIEUSE
Commandée en 1516, inaugurée en 1518, l'Assomption du maître-autel de Santa Maria dei Frari, à Venise, est le premier grand tableau religieux de Titien, qui y trouva sa consécration officielle. Une impérieuse unité d'action, qui s'inspire peut-être de Raphaël et annonce le baroque, lie les différentes parties et marque la rupture avec les types traditionnels de composition ; la sonorité puissante du coloris exalte la vivacité de la lumière et impose au regard la densité des formes.
Ce souffle unitaire anime d'autres grands tableaux d'églises : la Madone apparaissant à deux saints et à un donateur (1520, Pinacoteca civica Podesti, Ancône), l'Annonciation de la cathédrale de Trévise, avec sa perspective architecturale éloignant vers l'arrière-plan la figure de l'archange.
3.2. L'EXALTATION PAR LA COULEUR
Dans le Polyptyque Ave roldi (Santi Nazzaro e Celsio, Brescia), peint à Brescia entre 1520 et 1522, la division, probablement voulue par le donateur, en cinq panneaux, dont le principal représente la Résurrection, est archaïque, mais la vivacité de la touche et des effets lumineux témoigne d'un esprit moderne.
Titien revint à la fresque en 1523 avec la figure de Saint Christophe, puissante et mouvementée, qui subsiste au palais ducal de Venise. Dans la Mise au tombeau (1525, Louvre), l'agencement des masses colorées se prête à l'expression de la douleur. Commandée en 1519, inaugurée en 1526, la Madone de la famille Pesaro fait écho, dans l'église dei Frari, au coup d'éclat de l'Assomption, tout en innovant par l'incorporation habile de portraits et par un dynamisme que traduit l'architecture en perspective. Un souffle encore plus convaincant animait le Martyre de saint Pierre Dominicain, des Santi Giovanni e Paolo de Venise (1528-1530), détruit en 1867 par un incendie.
Dans la même période, celle de l'exaltation de la forme par la couleur, Titien commençait sa carrière de cour en peignant pour le cabinet d'Alfonso Ier d'Este à Ferrare (1518 à 1523) des compositions mythologiques où l'humanisme est vivifié par une sève vigoureuse : l'Offrande à Vénus et la Bacchanale (Prado), Bacchus et Ariane (National Gallery, Londres).
4. LA CONSÉCRATION INTERNATIONALE
À partir de 1530 environ, la renommée italienne et européenne de Titien élargit le champ de son activité. La libération de la touche, l'atténuation des contours, la recherche d'accords plus subtils et l'étude des reflets marquent alors l'évolution de sa manière.
De brillants portraits accompagnent des tableaux de format modeste comme la Vierge au lapin (Louvre). La cour ducale d'Urbino commanda la Vénus d'Urbino (1538, Offices), dont la composition raffinée enveloppe un nu au modelé magnifique. Dans Alfonso de Ávalos haranguant ses troupes (Prado), une noblesse de bas-relief antique s'allie à la force du coloris.
Les grandes commandes vénitiennes ne cessaient pas pour autant. Si l'on ne connaît que par la gravure et des copies la vive animation de la Bataille de Cadore du palais ducal, brûlée en 1577, on voit encore à son emplacement d'origine – la scuola della Carità, devenue l'Accademia – la Présentation de la Vierge peinte entre 1534 et 1538, vaste composition en frise, de caractère plus narratif et plus analytique, où apparaissent des accents de réalisme familier.
5. L'INTERMÈDE MANIÉRISTE
Ouvert à toute expérience, Titien ne pouvait totalement ignorer ce mouvement du maniérisme qui triomphait en Italie et dans une partie de l'Europe, mais auquel Venise opposait une ferme résistance. Un court épisode de sa carrière, entre 1541 et 1545 environ, le montre tenté par une version mâle du maniérisme, dérivée de Michel-Ange et importée en Vénétie par le Pordenone.
La Vision de saint Jean l'Évangéliste, morceau central du plafond de la scuola di San Giovanni (National Gallery de Washington), et les trois scènes bibliques provenant du plafond de Santo Spirito a Isola (sacristie Santa Maria della Salute) témoignent de l'orientation nouvelle avec leur perspective oblique, leurs raccourcis, le jeu tendu des musculatures et la subordination de la couleur au dessin, évidente aussi dans des compositions non plafonnantes comme le Couronnement d'épines provenant de Santa Maria delle Grazie de Milan (Louvre).
6. LE RETOUR À LA COULEUR
Le tempérament vénitien eut cependant vite fait de reprendre l'avantage, si bien que la période allant de 1545 à 1560 environ semble continuer celle d'avant la « crise » maniériste. On y compte peu de grandes commandes religieuses (le Martyre de saint Laurent de l'église des Jésuites de Venise, 1559, nouveau par ses effets de clair-obscur).
Titien fut alors surtout le peintre des cours italiennes et européennes, confirmant sa maîtrise dans le portrait, le petit tableau religieux, le sujet mythologique où l'interprétation humaniste de la culture païenne se pare d'un coloris raffiné. Pour les Farnèse fut peinte en 1545 la Danaé (galerie nationale de Capodimonte, Naples), où la gamme, plus sourde, gagne en délicatesse ce qu'elle perd en éclat. Charles Quint et Philippe II multiplièrent les commandes : Vénus et l'Amour avec un organiste (Prado), thème repris deux fois avec des variantes (Prado et musée de Berlin) ; la Vierge de douleur (Prado) ; en 1553 Vénus et Adonis (Prado) ; en 1556-1559, Diane et Actéon, Diane et Callisto (National Gallery d'Édimbourg).
7. LA PÉRIODE FINALE
En 1560, Titien avait encore seize ans à vivre ; cela lui permit de confirmer sa faculté de renouvellement. La manière de sa vieillesse tend à l'effacement des contours. La forme se dilue dans une pâte lentement travaillée, et surtout avec les doigts ; les tons rompus et changeants, plus sombres mais traversés d'éclairs, sont d'une gamme à dominante chaude. C'est ce que fait apparaître vers 1560 une Diane et Actéon (National Gallery, Londres), scène au climat mystérieux et romanesque, peinte pour Philippe II comme l'Enlèvement d'Europe (1562, Gardner Museum, Boston).
Vers 1565, cette orientation se confirme avec un grand ouvrage vénitien, l'Annonciation de San Salvatore. À partir de 1570, l'éparpillement de la touche et l'ambiance crépusculaire achèveront de dissoudre la forme ; ce que montrent la Nymphe avec un berger (Kunsthistorisches Museum, Vienne), Tarquin et Lucrèce (Fitzwilliam Museum, Cambridge), enfin la tragique Pietà de l'Accademia de Venise, que Titien destinait à sa sépulture.
8.TITIEN PORTRAITISTE
8.1. UNE EXPRESSIVITÉ SAISISSANTE
D'un bout à l'autre de sa carrière, Titien a peint d'admirables portraits. Déjà, vers 1510, ceux d'un homme au pourpoint bleu sur fond bleu et d'une femme derrière un bas-relief (National Gallery, Londres) frappent autant par l'efficacité de la mise en page que par la maîtrise des accords de tons ; et dans le Concert du palais Pitti à Florence, attribué à Titien avec vraisemblance, la tête du musicien est d'une expressivité saisissante.
De plus en plus, Titien s'attachera à donner le sentiment de la vie par le choix de l'attitude, l'intensité du regard, la palpitation des chairs, et aussi par le soin apporté à l'étude des mains. Il est certes des portraits où l'économie des moyens renforce l'impression de présence du modèle : Vincenzo Mosti (palais Pitti, Florence) et l'Homme au gant (Louvre), de 1525 environ, avec leurs belles modulations de gris pour le premier, de noirs pour le second ; le Jeune Anglais (palais Pitti), de 1535 environ ; les autoportraits de la dernière période (Prado et Stiftung Staatlicher Museen, Berlin). Cependant, Titien, plus souvent, a voulu dépasser les limites du genre, faire du portrait un tableau.
8.2. L'IMPORTANCE DES ACCESSOIRES
En coloriste vénitien, il a tiré parti des somptueux costumes du temps : costumes des patriciens et des dignitaires de la République, comme en témoigne le doge Andrea Gritti (National Gallery de Washington) ; costumes de cour, surtout, car Titien fut le plus grand portraitiste de cour de son siècle, habile à faire concourir la mise en scène et les accessoires à la définition du modèle – comme le montre aussi la statuette tenue par l'antiquaire Jacopo Strada (Kunsthistorisches Museum, Vienne).
Frédéric II de Gonzague avec son chien (Prado), le cardinal Ippolito de Medici en habit hongrois (palais Pitti) précèdent les portraits peints entre 1536 et 1538 pour la cour d'Urbino : la Bella (palais Pitti) au corsage bleu, proche de la Jeune Femme à la fourrure (Vienne) ; Francesco Maria Della Rovere, à l'armure riche en reflets, et son épouse Eleonora Gonzaga (Offices). Rassemblés dans la Galerie nationale de Capodimonte, les portraits des Farnèse comprennent notamment celui de Paul III avec Alessandro et Ottavio Farnèse (1545).
Peint en 1538 d'après une médaille de Cellini, le portrait de François Ier(Louvre) ne fait pas oublier que Titien s'est surpassé dans ceux des Habsbourg conservés au Prado : Charles Quint debout avec un chien (1532), à cheval à la bataille de Mühlberg (1548), assis et méditatif ; Philippe II en pied, peint en 1551 à Augsbourg.
9. L'ART DE TITIEN ET SON RAYONNEMENT
9.1. PLÉNITUDE DE LA FORME
Dans la variété des manières successives, on discerne la continuité d'un métier peu spontané, réfléchi, fruit d'un long travail dont d'admirables dessins à la plume font connaître le point de départ. Contenu au début dans des formes arrêtées, puis de plus en plus libre, le maniement du pinceau joue un rôle qui n'avait pas encore eu autant d'importance dans l'histoire de la peinture. C'est lui qui fond, module ou oppose les couleurs dont l'accord, fait de l'équilibre des tons froids et des tons chauds (sauf dans la dernière période, où ceux-ci prédominent), donne à la forme sa plénitude.
9.2. VERS LE BAROQUE
Il ne faut cependant pas ramener la peinture de Titien à quelque chose d'uniquement sensoriel, malgré le regard voluptueux qu'il pose sur les êtres et sur les choses. Sa vision s'ordonne en compositions amples et dynamiques qui tranchent avec le cloisonnement traditionnel, évitent la complication maniériste et ouvrent la voie au baroque. Titien a su enfin plier son métier aux exigences du sujet et faire passer en celui-ci la flamme de l'esprit, qu'il s'agisse de portraits, de thèmes religieux ou de mythologie.
À Venise, de son temps, Titien a eu quelque influence sur des peintres secondaires, Palma il Vecchio, Paris Bordone, Bonifacio De Pitati (1487-1553), et aussi sur le Tintoret et sur le Véronèse. Plus remarquable est cependant le rayonnement posthume de celui qui sera longtemps défini comme le porte-drapeau de la couleur face au dessin classique. Assimilé par l'académisme de Bologne, l'héritage de Titien a joué un rôle capital dans la formation de Vélasquez. Il apparaît essentiel aussi chez des maîtres de la couleur qui sont en même temps de grands portraitistes: Rubens, Van Dyck, Watteau, Reynolds, Renoir.
Tiziano Vecellio, dit Titien
Cet article est extrait de l'ouvrage Larousse « Dictionnaire de la peinture ».
Peintre italien (Pieve di Cadore 1488/1489 – Venise 1576).
Deuxième des cinq enfants de Gregorio Vecellio, notaire d’origine cadorine, Titien naît en 1488 ou 1489 selon Dolce (1557) et Vasari (1568). La critique moderne (Morassi, 1966 ; Pallucchini, 1969) préfère cette date à la date traditionnelle antérieure (1477), due à d’autres sources (Anonimo del Tizianello, 1622 ; Ridolfi, 1648) et acceptée plus tard par Cavalcaselle (1877-1878), car elle correspond de façon plausible à l’évolution du style titianesque. Toujours d’après Dolce, Titien serait arrivé à Venise « à l’âge de neuf ans » et aurait commencé son apprentissage chez Sebastiano Zuccato ; les premiers rudiments acquis, il passe à l’atelier de Gentile Bellini. Mais, comme « il répugnait à suivre la manière sèche et vieillie de Gentile », le jeune Titien « se rapproche – dans le même atelier – de Giovanni Bellini... » (Dolce), dont il apprécie le goût plus moderne.
TITIEN ET GIORGIONE
L’année 1508 est fondamentale dans l’histoire des débuts de Titien : à cette date, il est chargé avec Giorgione de décorer à fresque le Fondaco dei Tedeschi. Titien doit peindre la façade donnant sur les Mercerie, tandis qu’à Giorgione est confiée la façade principale, sur le Grand Canal. De ces travaux subsistent quelques fragments, conservés à l’Accademia et à la Soprintendenza ai Monumenti (Venise), et la série de gravures tirées par Zanetti au xviiie siècle. Si l’on en juge par ces maigres témoignages, Giorgione est le vrai et principal maître de Titien, qui lui emprunte sa manière de suggérer les formes plutôt que de les souligner ainsi que son sentiment de la nature. Mais il est vrai aussi que, dès les débuts, l’élève se différencie du maître, dont il ne partage ni le lyrisme contemplatif ni l’indifférence aux réalités terrestres. Doté d’un tempérament dramatique, d’une énergie fougueuse, Titien met à profit la leçon naturaliste du xve s. vénitien et sa puissance dans les fresques de la Scuola del Santo, à Padoue (Miracle du nouveau-né, Saint-Antoine guérit un jeune homme, le Mari jaloux), exécutées en 1511. Dans ces scènes, il organise l’espace en une composition largement rythmée, que scande une succession de volumes enveloppés de couleurs contrastantes et hardies : là, des hommes et des femmes « vrais » vivent des passions précises dans un paysage traité comme un décor de théâtre, dans un espace dont ils sont les seigneurs, transcription d’un phénomène sans cesse changeant plutôt qu’atmosphère ineffable à la Giorgione. La critique actuelle considère antérieures à la période 1508-1511 ou contemporaines de celle-ci quelques œuvres où Titien révèle son détachement progressif du monde giorgionesque : appartiendraient aux débuts du maître quatre panneaux de cassone représentant la Naissance d’Adonis, la Forêt de Polydore (Padoue, Museo Civico), Endymion (Merion, Penn., Barnes Foundation) et Orphée et Eurydice (Bergame, Accad. Carrara). On y reconnaît déjà une sensibilité ouverte aux effets spatiaux et chromatiques, étrangère à Giorgione, dont Titien exploite cependant les nouveautés thématiques et la découverte de la couleur « constructive ». À cette période initiale appartiennent la Circoncision (New Haven, Yale University Art Gal.), la Fuite en Égypte (Ermitage), Jacopo Pesaro, présenté à saint Pierre par le pape Alexandre VI (musée d’Anvers) – où, dans une structure de composition encore quattrocentesque, les personnages assument une vitalité nouvelle (mais il faut peut-être penser à deux interventions successives) – et la Vierge et l’Enfant avec saint Antoine de Padoue et saint Roch (Prado), d’un giorgionisme si déclaré qu’il peut sembler intentionnel. Au sentiment pathétique du maître, Titien oppose une forte caractérisation dans les portraits (Gentilhomme s’appuyant sur un livre, Washington, N. G. ; la Schiavona, Londres, N. G.). Dans le Portrait d’homme, dit « l’Arioste » (Londres, N. G.), la présentation, encore giorgionesque, est simplifiée à l’extrême à l’aide de quelques plans monumentaux : l’ampleur de la manche violette, le gonflement du vêtement de satin, la projection de l’image par la coupe nette de la balustrade. Les affinités de la Suzanne (Glasgow, Art Gal.) avec les personnages du Miracle du nouveau-né (Padoue, Scuola del Santo) incitent à situer en 1510 cette œuvre toute en torsions et en raccourcis brusques atténués par des teintes transparentes. Avec la xylographie du Triomphe de la Foi (v. 1511) – le premier des cinq états est celui qui est conservé au cabinet des Estampes de Berlin –, cette œuvre représente un point culminant de la contestation antigiorgionesque. Mais, en octobre 1510, Giorgione meurt, son autre élève rebelle, Sebastiano del Piombo, part pour Rome, tandis que Giovanni da Udine et Morto da Feltre se rendent en Italie centrale ; Titien sait bien qu’il est le seul héritier de la leçon du maître, et cela, allié à la maturation naturelle d’un tempérament destiné à rester fougueux, le rend plus enclin à méditer l’art de Giorgione.
De cette nouvelle attitude naissent des œuvres où la ligne de démarcation entre deux artistes est discutée ; le Concert champêtre (Louvre), reconnu au seul Titien par une majorité d’historiens, est encore attribué à Giorgione par certains. On discute aussi de la part prise par le jeune peintre dans l’exécution de la Vénus de Dresde (Gg). Mais pour le Noli me tangere (Londres, N. G.), le Concert (Florence, Pitti), l’Allégorie de la vie humaine (Édimbourg, N. G.), la Bohémienne (Vienne, K. M.) et le Portement de croix (Venise, Scuola di S. Rocco), tous imprégnés d’une atmosphère encore idéalement giorgionesque, la critique actuelle pense en général à la paternité de Titien seul.
CLASSICISME
Après le Baptême du Christ (v. 1512, Rome, Gal. Doria Pamphili) et la Sainte Conversation (v. 1513, Mamiano de Traversetolo, Fond. Magnani-Rocca), la personnalité artistique de Titien se caractérise par un sentiment figuratif nouveau qui le porte à la recherche et à la conquête d’une beauté majestueuse et sereine, emblématique de toute la Renaissance et telle qu’il la présente dans une série de Saintes Conversations (Munich, Alte Pin. ; Édimbourg, N. G. ; Londres, N. G.), dans Salomé (Rome, Gal. Doria Pamphili), Flore (Offices), la Jeune Femme à sa toilette (Louvre) et l’Amour sacré, l’amour profane (Rome, Gal. Borghèse), un des sommets du classicisme titianesque et une des plus hautes expressions – dans l’harmonie paisible du paysage et la beauté pure des personnages – de l’art de la Renaissance. Une harmonie égale caractérise d’autres Saintes Conversations (Prado ; Dresde, Gg), le Christ au denier (Dresde, Gg), la Vierge aux cerises et Violante (Vienne, K. M.).
Dans le grand retable de l’Assomption, commandé à Titien en 1515 par le prieur de S. Maria dei Frari (Venise) et inauguré dans cette église le 20 mars 1518, le classicisme, qui vient de donner un chef-d’œuvre, cède le pas à un naturalisme et à une fougue tels que les Vénitiens, non préparés à tant d’audace, en sont déconcertés. Titien abandonne un peu de cette ardeur désinvolte pour exalter la joie païenne de vivre et le large souffle de la nature dans les trois toiles pour Alfonso Ier d’Este : l’Offrande à Vénus, la Bacchanale (1518-1519, Prado) et Bacchus et Ariane (1523, Londres, N. G.). Entre 1518 et 1520, Vecellio peint l’Annonciation (Trévise, Duomo) ; il signe et date en 1520 la Vierge et l’Enfant apparaissant aux saints François et Alvise et au donateur Luigi Gozzi (musée d’Ancône) et entre 1520 et 1522 le polyptyque Averoldi, en cinq panneaux, pour l’église SS. Nazaro e Celso (Brescia) ; dans toutes ces œuvres, et surtout dans la Résurrection du Christ du retable Averoldi, Titien déploie des sentiments d’une grande intensité dramatique et des accents vigoureux, révélateurs de son intérêt pour Raphaël et Michel-Ange. Une pénétration aiguë de la psychologie du modèle et une mise en page simple caractérisent le Portrait de Vicenzo Mosti (Florence, Pitti), celui de l’Homme au gant (Louvre), le Portrait de Federico II Gonzaga (apr. 1525, Prado). La Vierge de la famille Pesaro (1519-1526, Venise, S. Maria dei Frari) est au contraire très complexe avec ses grands effets d’architecture monumentale et de perspectives fuyant en profondeur. Bien qu’inspirée de Raphaël, la Mise au tombeau (Louvre) révèle, grâce à la lumière, une inquiétude toute titianesque. Il faut malheureusement déplorer la perte d’une autre œuvre capitale, le Martyre de saint Pierre, remise par Titien à l’église SS. Giovanni e Paolo le 27 avril 1530 et qui, d’après les descriptions enthousiastes de Vasari et de l’Arétin, concluait la période figurative qu’avait inaugurée l’Assomption. En effet, la Vierge au lapin (Louvre) et la Vierge et l’Enfant avec saint Jean-Baptiste et sainte Catherine (Londres, N. G.), toutes deux de 1530, sont plus sereines dans leurs paysages souplement modelés ; cette glorification de la beauté féminine trouve un accent plus spontané et presque familier dans le Portrait de jeune femme à la fourrure (v. 1535-1537, Vienne, K. M.) et dans la Bella (v. 1536, Florence, Pitti).
LA GLOIRE EUROPÉENNE
La célébrité de Titien est dès lors à son apogée : les monarques et les aristocrates de la Renaissance s’identifient dans son art et y voient leurs aspirations sublimées. Aux rapports de l’artiste avec la cour d’Este ont succédé, dès 1523, les rapports avec les Gonzague et avec Francesco Maria della Rovere ; en 1530, Titien rencontre pour la première fois Charles Quint à Bologne ; trois ans plus tard, dans la même ville, l’empereur lui confère les titres de comte palatin et de chevalier de l’Éperon d’or, et lui manifestera de nouveau son admiration en l’invitant à la cour d’Augsbourg entre 1548 et 1550, puis en 1550-1551. Ce haut mécénat implique une activité intense de Titien dans le portrait, genre qui satisfait du reste pleinement ses tendances réalistes. Les portraits de Charles Quint (v. 1532-1533, Prado), du Cardinal Ippolito de’ Medici (1533, Florence, Pitti), des Ducs d’Urbino (1538, Offices), de François Ier (1538, Louvre) et d’Alfonso d’Avalos (1536-1538, AXA, groupe d’assurances, en prêt au Louvre) répondent aux exigences de faste et de majesté de ses clients.
TENTATIONS MANIÉRISTES
Le naturalisme, très poussé dans la Présentation de la Vierge au Temple (1534-1538, Venise, Accademia) et dans la Vénus d’Urbin (1538, Offices), cède à la vogue maniériste introduite à Venise dans ces mêmes années par Salviati et Giorgio Vasari, et qui a déjà dû impressionner Titien au cours de ses séjours dans la Mantoue de Giulio Romano : la tension plastique, propre au maniérisme, caractérise les douze Portraits d’empereurs romains – commencés en 1536 pour le salon de Troie au château de Mantoue, puis perdus et dont nous n’avons plus connaissance que par les douze gravures de E. Sadeler –, Alfonso d’Avalos haranguant ses soldats (1540-1541, Prado), le Couronnement d’épines (v. 1543, Louvre), l’Ecce homo (1543, Vienne, K. M.) et les trois plafonds – le Sacrifice d’Abraham, Caïn et Abel, David et Goliath – pour l’église S. Spirito in Isola (1542, auj. à la sacristie de S. Maria della Salute à Venise). Dans le portrait, cette tension se résout dans la vigueur que Titien met pour « surprendre le caractère » de ses modèles, qu’il nous présente avisés ou sournois, arrogants ou dévorés d’une fièvre mystérieuse (Ranuccio Farnese, 1541-1542, Washington, N. G. ; le Pape Paul III, 1546, Naples, Capodimonte ; le Doge Andrea Gritti, Washington, N. G. ; Charles Quint à la bataille de Mühlberg, Prado ; Charles Quint assis, Munich, Alte Pin. ; Antoine Perrenot de Granvelle, 1548, Kansas City, W. R. Nelson Gal. of Art ; Philippe II, 1551, Prado), ou dévots fervents (Tableau votif de la famille Vendramin, 1547, Londres, N. G.).
DERNIÈRE PÉRIODE
Après 1550, Titien semble encore accélérer son rythme créateur : en moins de deux décennies, il exécute parallèlement des œuvres pour Venise (la Pentecôte, 1555-1558, peinte pour S. Spirito, maintenant à S. Maria della Salute ; le Martyre de saint Laurent, terminé en 1559, Venise, Gesuiti ; le plafond pour l’Antisala de la bibliothèque Marciana, avec la Sagesse, apr. 1560) et pour Ancône (le Christ en croix avec la Vierge, saint Dominique et saint Jean, 1558, église S. Domenico) ; et, pour satisfaire les goûts singuliers de Philippe II d’Espagne, il peint les fameuses « poésies » érotico-mythologiques (Danaé, 1554, et Vénus et Adonis, 1553-1554, toutes deux au Prado ; Diane et Actéon et Diane et Callisto, 1556-1559, coll. duc de Sutherland, exposées à Édimbourg, N. G. ; le Châtiment d’Actéon, v. 1559, Londres, N. G. ; l’Enlèvement d’Europe, 1562, Boston, Gardner Museum) ainsi que des sujets sacrés (Sainte Marguerite, à l’Escorial, 1552, et au Prado, 1567 ; la Mise au tombeau, 1559, Prado ; le Christ au jardin des Oliviers, 1562 ; le Martyre de saint Laurent et Saint Jérôme, 1565, Escorial). Dans toutes ces œuvres, l’expression repose sur le pouvoir suggestif de la couleur, liquide, coulante, dans laquelle les formes semblent se dissoudre comme par autocombustion. Titien arrive maintenant à la dernière phase de son activité : la représentation d’une vision naturaliste ou la célébration d’un idéal classique déjà ébranlé ne l’intéressent plus ; il inaugure donc un style détaché à la fois du dessin et de la plastique, synthétique et brut, peut-on dire, où personnages et nature se matérialisent en taches, grumeaux, « balafres » de couleur, où seuls comptent les spectres informels qui peuplent sa réalité de créatures vouées à une autre existence. De la désagrégation fumeuse de la matière surgissent les étincelles d’or de l’Annonciation (1566, Venise, S. Salvador), les empâtements crépitants de Vénus bandant les yeux de l’Amour (1560-1562, Rome, Gal. Borghèse), de Saint Sébastien (v. 1570-1572, Ermitage) ou du Couronnement d’épines (Munich, Alte Pin.), l’éclairage rougeâtre du Tarquin et Lucrèce (1570-1571, Cambridge, Fitzwilliam Museum), plus dramatique encore dans la version de l’Akademie de Vienne, le ciel brouillé et mélancolique de la Nymphe et le berger (1570-1576, Vienne, K. M.), avant que n’explose le grand incendie qui baigne de pourpre le Supplice de Marsyas (1570-1576, Kromerí, château archiépiscopal). C’est cet « impressionnisme magique » (Pallucchini) qui caractérise aussi les derniers portraits : celui de Francesco Venier (1554-1556, Madrid, Museo Thyssen-Bornemisza), celui de l’Antiquaire Jacopo Strada (1567-1568, Vienne, K. M.), celui de l’Artiste par lui-même (1568-1570, Prado), où de la matière agglutinée se dégage une image spectrale, ultra-terrestre. Quand, le 27 août 1576, Titien meurt à Venise de la peste dans sa maison de Birri, il laisse inachevée la Pietà (Venise, Accademia), une composition troublante et complexe qu’il destine à sa sépulture, à S. Maria dei Frari, et que terminera son disciple Palma il Giovane.
Niciun comentariu:
Trimiteți un comentariu