L'Homme au gant
Le Titien
Musée du Louvre
On ignore le nom du jeune homme représenté ici ; mais à coup sûr, nous sommes en présence d'un personnage d'importance, patricien de la Sérénissime république de Venise. Sous son vêtement noir, égayé de la seule blancheur d'une chemise de dentelle, le gentilhomme a de la distinction, de la race, une belle tournure aristocratique. Ses cheveux noirs sont à la mode italienne du temps, coupés ras sur le front et retombant assez bas, sur les côtés, pour cacher une partie des oreilles. La tête, bien campée sur un cou robuste, n'est pas régulièrement belle, mais s'illumine d'un intelligence énergique et d'une fermeté tranquille accentuées par l'assurance et la fierté du regard. Aucun autre ornement, dans le sévère costume du modèle, qu'une fine et longue chaînette à grains de corail terminée par un médaillon. La main droite, baguée d'or à l'index, est négligemment passée à la ceinture : cette main est d'un modelé et d'une vigueur d'exécution admirables. De son coude gauche, le jeune patricien s'appuie sur un pan de rocher et, dans sa main gauche gantée de peau de daim, il tient son autre gant.
« On a presque honte d'écrire des phrases élogieuses sur un pareil chef-d'œuvre ; il semble que l'on commette un béotisme en exprimant son admiration pour ce dessin grand et simple, cette couleur d'une clarté si chaude, ce modelé puissant et souple, cette fleur de vie répandue partout qui caractérisent la manière de Titien. Titien est le plus sain, le plus robuste, et le plus tranquille des grands peintres. Chez lui, aucun effort visible ; il atteint la beauté facilement et du premier coup, comme une chose naturelle. Ses figures ont la santé, la joie sereine, l'équilibre parfait des statues grecques et des peintures antiques telles qu'on peut les supposer. Aucune fièvre, aucune inquiétude ne les travaillent et ne les déforment ; elles s'épanouissent tranquillement dans la plénitude de leur force et de leur beauté, heureuses d'avoir reçu la vie du pinceau de Titien qui est, avec Velazquez, le plus grand peintre de portraits du monde. » (Théophile Gautier.)
Aussi n'est-il pas surprenant qu'il ait été, durant sa longue vie, le peintre de tous les personnages illustres du XVIe siècle. Dès ses débuts, son vigoureux talent lui vaut une réputation méritée. Le Conseil des Dix le nomme peintre des Doges, titre qu'il lui retirera par la suite à cause de ses lenteurs dans l'exécution des commandes ; puis, c'est Alphonse de Ferrare, grand protecteur des arts, que Victor Hugo a peint de couleurs si noires, qui attire près de lui le jeune peintre, l'installe dans son propre château et le comble d'honneurs. Ce séjour à Ferrare est marqué par le magnifique portrait du duc, par celui de Laura di Dianti et par une cinquantaine d'oeuvres de premier ordre. Après un court passage à la cour de Frédéric Gonzague, duc de Mantoue, Titien se lie avec Francesco Maria délia Rovere, duc d'Urbino et neveu du grand pontife Jules II. A cette cour, il peint de nombreux portraits, qui sont tous des chefs-d'œuvre; il en exécute même d'après des copies, tels que ceux du Sultan et de François Ier ; ce dernier est au Louvre et l'on peut constater en le voyant que Titien n'avait pas besoin de faire poser son personnage pour en faire un admirable portrait.
Jaloux de posséder un tel peintre, le monarque le plus puissant de l'époque, Charles-Quint, lui prodigue les marques de son amitié et lui commande plusieurs fois son portrait. Ces portraits sont autant de chefs-d'œuvre. On raconte qu'un jour l'Empereur — cette « moitié de Dieu », comme l'appelle Victor Hugo — se trouvait dans l'atelier de Titien lorsque celui-ci laissa choir par mégarde son pinceau. Le souverain se baissa pour le ramasser et le rendit à l'artiste. A ses courtisans étonnés, Charles-Quint signifia tranquillement qu'un tel génie était bien digne d'être servi par un empereur. Pour chaque portrait de lui, ce monarque lui paya 1.000 couronnes d'or et il lui conféra en outre des titres de noblesse avec un don annuel de 200 couronnes. Il essaya même de l'attirer à Madrid avec le titre de peintre de la cour, mais Titien refusa, craignant de ne pouvoir s'habituer aux habitudes espagnoles en matière d'art et de foi.
Par l'intermédiaire de l'Arétin, son ami, Titien fut appelé à Rome par Paul III, de la famille Farnèse. Le pontife posa plusieurs fois devant lui.
On a dit de Titien qu'il n'eut pas un caractère aussi beau que son génie et qu'il gâta ses dons merveilleux par une rapacité indigne d'un grand artiste. Ce que fut l'homme importe peu aujourd'hui ; l'œuvre compte seule et elle est admirable. Titien, quels qu'aient été ses défauts, reste l'un des plus grands peintres du monde et l'un des fournisseurs les plus puissants d'émotion artistique.
L'Homme au gant fut acquis par Louis XIV, à qui nos musées français sont en grande partie redevables de leur grande richesse.
Hauteur : 100 cm - Largeur : 89 cm
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24 Juin 2013 Publié par Megan et Juliette H.
L'homme aux yeux gris de Titien
L'homme aux yeux gris
I - Informer
Ce tableau est intitulé L'homme aux yeux gris, ou Portrait d'un gentilhomme, il est également surnommé L'Anglais. Il aurait été peint vers 1545. Il s'agit d'une huile sur toile de 111 cm sur 93. Comme son nom l'indique, le tableau appartient au genre du portrait.
Ce tableau a inspiré un livre éponyme à Petru Dumitriu : L'homme aux yeux gris, qui raconte la vie romancée du modèle, dont on ne sait rien en réalité.
Titien, ou Tiziano Vecellio, est né en 1488 est mort en 1576. C'est un peintre de Cinquecento (15° siècle italien, la Haute Renaissance). Il est reconnu comme un excellent peintre de scènes religieuses et mythologiques, mais plus encore comme un maître de l'art du portrait. En effet, dans les tableaux qu'il peint, on sent une humanité profonde chez ses modèles : en cela, Le Titien est un artiste très représentatif de la Renaissance en peinture.
II- Analyser
*Description objective : Au premier plan, il y a un homme vêtu d'un lourd habit noir ; il a un collier autour du cou. On aperçoit une chemise blanche qui dépasse du col et des poignets, et il tient une paire de gants beiges dans sa main droite. Il a des yeux bleus ou gris, une barbe et des cheveux bouclés châtains. Il se tient devant un mur gris, et à côté de lui se trouve une bande noire verticale, peut-être une colonne. Son ombre se détache sur ce mur.
*Description subjective : Ce qui frappe chez cet homme qui est représenté, c'est son regard. Troublant, insistant, il donne l'impression qu'il examine le spectateur. Il nous sonde, et l'expression de son visage donne à cette inspection un caractère grave, sérieux. Le décor sobre et sombre met plus encore en valeur ses yeux clairs. On peut ressentir bien des émotions devant un tel tableau ; de la fascination, de la méfiance, un certain malaise, de l'admiration... Toujours est-il qu'on ne peut rester indifférent à ce gentilhomme.
*Question : En quoi ce tableau vous semble t-il caractéristique de la Renaissance dans son contenu et/ou dans sa forme ?
Non seulement le portrait est une forme de représentation picturale qui connaît un essor durant la Renaissance, mais encore le sujet présente les caractéristiques du portrait humaniste : on perçoit l'âme du personnage à travers la peinture. Le Titien a ici réussi parfaitement l'exercice ; à l'instar de La Joconde, ce tableau reste mystérieux et fascinant.
III - Créer
Cet homme ne parle pas. Son mutisme n'est qu'une façade. Il parle avec ses yeux. Gris comme une lame, ils vous transpercent ; un regard froid qui de sa vivacité porte un coup à l'âme, désormais perdue dans les méandres du tableau. Un regard tacite qui révèle l'intelligence, l'autorité ; une stature et une force d'esprit qui n'ont pas d'équivalent si ce n'est les flots qui se déversent paisiblement, éclatant en un instant lorsque se soulève le vent, annonçant la tempête qui brisera les chaînes. Mais le calme sera toujours là, avant, après ou pendant... La clarté grise de ces moments uniques gardera toutefois le mystère et l'opacité d'un rêve éphémère. Une nuit claire et un jour obscur se mêlent, noire comme la pénombre mais lumineuse comme un jour nuageux. Que pensez-vous donc, vous qui êtes vêtu de sombre, et qui laissez transparaître la lumière ?
«... Un inconnu... Je ne suis rien d'autre qu'un inconnu. Pourtant, un mythe s'est fondé autour de moi. Mes yeux fascinent. Gris comme un ciel d'orage, gris comme les couleurs qui s'effacent et se fondent à l'horizon, je regarde quelque chose que vous ne pouvez voir. Au lointain, une vue exceptionnelle sans doute ; de près je semble vous fixer avec une intensité troublante. Ma stature fait de moi un personnage imposant, ma droiture un personnage rigoureux comme un froid d'hiver. Glacial et chaleureux. Peu d'entre vous semblent me trouver antipathique. Je suis seul. Seulement accompagné d'une ombre qui ne me quittera jamais, et entravé par une chaîne trop lâche qui semble juste me rappeler à l'ordre. L'abstraction des sentiments que j'évoque est indissociable du lieu où je me trouve. Quel est donc cet endroit ? Rien ne l'indique ni ne le sait. Ma tenue noire comme la nuit aux plis et replis invisibles découpent une silhouette irréelle, mon regard transperce, mon ombre inhumaine, juste symbolique, ce lieu... Tant d'éléments qui suscitent tant de questions. Pour aucune réponse. Observez, rêvez, et réveillez-vous, les Ténèbres ne doivent vous retenir. Conservez ce souvenir intrigant dans vos esprits jusques à jamais, car seule l'Éternité saura avoir raison des mystères de ce monde. »
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