marți, 13 aprilie 2021

Rubens 2




Autoportrait de Rubens le représentant avec sa première épouse Isabella Brant (1609, Alte Pinakothek, Munich)
https://plume-dhistoire.fr/helene-fourment-epouse-et-muse-de-rubens/

FÊTES, ARTS ET CRÉATION,  HISTOIRES DE PORTRAITS,  XVII ET XVIIIÈME SIÈCLES

Hélène Fourment, épouse et muse de Rubens

En 1626, le peintre Pierre-Paul Rubens est au faîte de sa gloire. Artiste, mari et père comblé, il est honoré et respecté dans toute l’Europe. Très lié aux archiducs des Flandres (Albert et Isabelle, intronisés par le Roi d’Espagne au terme de quatorze ans de guerre avec la Hollande), il est installé à Anvers.

C’est alors qu’Isabella Brant, qui partage son existence paisible depuis 17 ans, mère de ses trois enfants (Serena, Nicolas et Albert) décède subitement le 29 septembre, à l’âge de 34 ans, probablement emportée par une épidémie de peste.

Fou de douleur, désemparé, Rubens se réfugie dans la peinture… et la politique. Cette période de sa vie correspond en effet à une activité redoublée, à la fois artistique et diplomatique. Chargé par les archiducs de missions secrètes qui, en tant que grand défenseur de la paix, comblent son désir d’instaurer une nouvelle unité européenne, il entreprend de nombreux voyages dans les Cours étrangères. Il séjourne en France, en Espagne, en Hollande et en Angleterre… où le duc de Buckingham s’empresse de lui acheter une part importante de sa collection de tableaux.

Rubens met fin à cet intense périple en 1630. Il regagne Anvers au printemps, apaisé. Le voici prêt à se laisser emporter par la plus grande passion de son existence, celle qui va le lier à la sensuelle et pétillante Hélène Fourment.

Autoportrait de Rubens le représentant avec sa première épouse Isabella Brant (1609, Alte Pinakothek, Munich)
Autoportrait de Rubens le représentant avec sa première épouse Isabella Brant (1609, Alte Pinakothek, Munich)

La belle Hélène

Les Fourment ne sont pas inconnus de Rubens. Daniel Fourment est un riche marchand de soie et de tapisserie d’Anvers, pour qui l’artiste a déjà imaginé quelques dessins de tapisseries. Sa fille aînée Suzanne, belle-sœur de l’épouse défunte de Rubens Isabella Brant, est longtemps réputée pour être l’une des plus belles femmes du pays. Elle sert de modèle à l’artiste dans plusieurs portraits, dont Le Chapeau de paille, qui inspirera, entre autres, Elisabeth Vigée-Lebrun. Mais c’est la cadette de Daniel Fourment, Hélène, qui captive à présent tous les regards.

Encore très jeune lorsque Rubens a quitté la ville en 1626, Hélène s’est métamorphosée. L’artiste, qui raffole des beautés flamandes, énergiques et bien en chair, est hypnotisé par la jeune femme. Plantureuse, les joues pleines, la peau blanche, les cheveux blonds et bouclés, la bouche écarlate, en forme de cerise, elle représente, pour Rubens, l’incarnation de Vénus. Il tombe fou amoureux de cette beauté que le poète Gevaerts, ami d’enfance de l’artiste, compare à Hélène de Troie…

En décembre 1630, à 53 ans, Rubens épouse la jeune fille, qui n’en a pas tout à fait 17. Elle est donc du même âge que le fils aîné qu’il a eu avec Isabella Brant !

Jouissant d’une immense fortune, l’artiste décide d’acheter à Anvers une suite de maisons qu’il transforme en palais à l’italienne. C’est dans cette somptueuse demeure aux façades ornées de niches, de statues et de peintures en trompe l’œil, aux enfilades de salons et de chambres tapissés de cuir de Cordoue gaufré à l’or, qu’Hélène pose pour son époux.

Hélène Fourment l'année de son mariage, par Rubens (1630 - Musées royaux des Beaux Arts de Bruxelles)
Hélène Fourment l’année de son mariage, par Rubens (1630 – Musées royaux des Beaux Arts de Bruxelles)

La gloire de la chair

Hélène Fourment devient la muse de Rubens, opérant chez lui un véritable renouveau qui se retranscrit sur ses toiles. Elle inspire ainsi les tableaux les plus personnels de l’artiste.

D’un portrait à l’autre, il explore toutes les facettes de la personnalité d’Hélène. Elle apparaît tantôt naïve et innocente, tantôt impériale et maternelle, tantôt coquette, curieuse et impudique. Elle prête ses traits aux déesses de la mythologie (Diane et CallistoLe Bain de DianeAtalanteLa Fête de VénusLes Trois Grâces, redonne du souffle à l’œuvre de son époux.

La représentant en timide poupée blonde ou en sensuelle odalisque, il l’habille et la déshabille à loisir. Figeant ses traits sur la toile pour l’éternité, dans tous les rôles et dans toutes les poses, il assure à Hélène, qui se plie avec docilité à ses envies, une postérité certaine.

La Petite Pelisse, par Rubens. C'est Hélène Fourment qui est représentée. (1636/1638 - Kunsthistorisches Museum, Vienne)
La Petite Pelisse, par Rubens. C’est Hélène Fourment qui est représentée. (1636/1638 – Kunsthistorisches Museum, Vienne)

Sans aucun doute, la muse sait dialoguer avec l’artiste, variant les moues, espiègles, surprises, dignes, étonnées ou tendres… En permettant à Rubens de retranscrire dans ses œuvres tout l’amour qui les lie. Elle le protège de l’ennui et de la routine. Passionnément épris, il n’hésite pas à dévoiler la nudité de son épouse, qui représente pour lui l’incarnation de la vie.

Le corps d’Hélène, dans ses multiples réincarnations, participe à la gloire de la chair. (…) Ce triomphe éclatant du corps n’est nulle part plus évident que dans la représentation de cet objet vénéré, omniprésent, le sein. Tantôt léger et aérien, tantôt lourd et terrestre, souvent compressé et bousculé, mais toujours rejaillissant et triomphant, il est (…) la matière féminine par excellence.

Après la mort de Rubens, Hélène fera détruire certains tableaux la représentant, les jugeant trop audacieux et trop indécents. Seul rescapé de ce « véritable autodafé », l’érotique tableau intitulé La Petite Pelisse.

Ce portrait représente Hélène nue, retenant dans un geste de pudeur une lourde fourrure prête à glisser, aux manches brodées de fils d’or. L’air mutin de la jeune femme peut être interprété soit comme une provocation, soit comme une angoisse de laisser filer le manteau ! Une audace que des peintres de la chair comme Manet, Degas ou Renoir oseront à peine esquisser deux siècles plus tard !

Femme et épouse

Hélène au jardin, Hélène dans une loggia, Hélène assise sur une terrasse, Hélène en tenue de ville, Hélène enfilant un gant… Les toiles se succèdent. Compter autant de portraits représentant un seul sujet est rarissime, même dans la grande peinture classique.

Par la série des portraits qu’il lui dédia, il sut lui faire peut-être le plus beau des cadeaux (…) Hélène Fourment est rendue dans sa vérité profonde, sa mine un peu espiègle, ses cheveux difficilement disciplinés malgré la coiffure à la mode de l’époque dite « à la houppe », ses lèvres pulpeuses et ce regard toujours un peu effarouché.

Son amour ne faiblit pas. Il comble sa femme de bijoux, perles, diamants et boutons, lui achète des étoffes somptueuses, des fourrures et des dentelles, tout le costume d’apparat de l’âge baroque, qu’il reproduit ensuite dans ses portraits.

Quant il peint Hélène sortant de leur somptueuse demeure d’Anvers pour monter dans son carrosse à deux chevaux, accompagnée de son fils François, il la campe en reine d’Espagne, à la manière des grands portraits en pied de la Renaissance que réalisèrent Véronèse et Titien.

Hélène au carrosse, par Rubens (1639 - Musée du Louvre)
Hélène au carrosse, par Rubens (1639 – Musée du Louvre)

Le carrosse à rideaux rouges, tiré par deux chevaux, représente l’harmonie du couple et sa réussite sociale. Debout sur un perron bordé de pilastres, leur fils François, un garçonnet blond tenant un chapeau.

Au centre, Rubens a peint Hélène en somptueuse robe de satin noir, alors signe de richesse, aux manches bouffantes de satin blanc piquées de perles, serrées au coude par un ruban mauve que l’on retrouve autour de sa taille. Sa collerette de mousseline s’ouvre sur un décolleté carré, qui se prolonge sur le corset par une torsade d’or. Une coiffe noire sur ses cheveux mousseux, un collier de perles autour de son cou, l’air surpris et hautain à la fois, Madame Rubens est représentée dans toute sa splendeur sur ce portrait intitulé Hélène au carrosse.

Bonheur familial

Hélène et son fils François (en réalité la petite Clara), par Rubens (1633 - Alte Pinakothek, Munich)
Hélène Fourment et son fils François (en réalité la petite Clara), par Rubens (1633 – Alte Pinakothek, Munich)

Petit à petit, Rubens se désintéresse de la politique et de la diplomatie. S’il continue à accepter de nombreuses commandes, c’est son épouse et les quatre enfants qu’elle lui donne, Clara, François, Hélène et Pierre, qui deviennent le centre de son existence. Il n’aime rien tant que passer du temps avec eux à Anvers, ou dans leur nouvelle propriété campagnarde, au château de Steen, situé entre Bruxelles et Malines.

De nombreuses toiles campent ainsi Hélène en mère attendrie. Avec Hélène Fourment et son fils François (en réalité, l’enfant représenté n’est pas François mais la petite Clara), Rubens signe l’un de ses portraits les plus intimes, empreint de douceur, d’innocence et de féminité. Quant à Hélène Fourment et ses enfants, c’est une ode au bonheur et à la sérénité familiale :

Il est peu de tableaux de ce maître peints avec plus d’esprit et de légèreté, la couleur en est d’un brillant étonnant, et produit des effets extrêmement lumineux (…). L’expression de tendresse et d’intérêt pour ses enfants que l’Artiste a mis dans la tête de la mère est de la plus grande vérité. Cette tête peut être comparée, pour l’expression, à la belle tête si connue de Marie de Médicis dans la galerie du Luxembourg à Paris.

Pierre-Paul Rubens décède en 1640, après dix années de bonheur familial. Hélène, alors enceinte, donnera naissance le 3 février 1641 à son cinquième enfant, une fille prénommée ConstantinaLa belle survit trente-trois ans à Rubens. Veuve richement établie, elle se remarie, cinq ans après la disparition de l’artiste, avec un noble qui est son amant depuis quelques années. 

Sources

♦ Les couples mythiques de l’art de Beaux-Arts éditions

♦ Rubens de Gilles Néret

♦ Dictionnaire amoureux du Louvre de Pierre Rosenberg

♦ Palettes de Alain Jaubert

♦ Rubens, a portrait  de Paul Oppenheimer

Les Flandres à l’ombre de Rubens


Peinture baroque
par admin 5 novembre 2011

Anvers, capital de l’art

Intégrés à l’héritage bourguignon que Philippe II, roi d’Espagne reçoit de son père, l’empereur Charles-Quint, les anciens Pays-Bas sont scindés en deux à la fin du XVIe siècle. Anvers, la ville flamande qui avait hérité de la richesse de Bruges est au XVIIe siècle, le principal centre artistique. Sous le gouvernement des archiducs Albert et Isabelle, dont la résidence est établie à Bruxelles, on s’efforce de restituer les anciens fastes décoratifs (après le mouvement iconoclaste de 1566 mené par les réformés), dans le respect de l’art sacré défini par la Contre-Réforme, avec le soutien de l’archiduc. Il s’ensuit un retour à la peinture monumentale sacré dont les représentants sont Rubens ou Jacob Jordaens. Parallèlement, se perpétue la peinture à sujets profanes et, grâce aux commandes de la cour, la peinture d’histoire ou retraçant des épisodes mythologiques. Les allégories y figurent en nombre, parfois porteuses d’un contenu politique. Beaucoup de ces décorations sont destinées aux lieux emblématiques de la puissance publique. Grâce à un atelier bien organisé, Rubens put entreprendre une série de grands décors destinés à restituer les anciens fastes de la cour. Les échanges entre les écoles du Nord et du Sud développent des influences réciproques. Des visites ponctuelles comme celle de Rubens à Utrecht en 1626 ou de Van Dyck à La Haye pendant l’hiver 1630-1632, contribuent à la pénétration du goût flamand en Hollande.

Allégorie de la Paix et de la Guerre, 1636-1637, Pierre Paul Rubens

Allégorie de la Paix et de la Guerre, 1636-1637, Pierre Paul Rubens (Florence, Palazzo Pitti)

Rubens, diplomate et peintre de cour

Pierre Paul Rubens (Siegen 1577 – Anvers 1640) il est probablement formé à Cologne, sa famille, originaire d’Anvers, s’étant réfugiée en Westphalie. De retour à Anvers en 1587, il entre dans l’atelier de l’un des peintres les plus renommées de la ville, Adam Van Noort. En 1600, il part pour huit ans en Italie. Il va à Venise, puis à Rome et à la cour du marquis Vincenzo Gonzaga à Mantoue. Au cours de son séjour en Italie, il s’arrêta plusieurs fois à Gênes et à Rome pour étudier les œuvres des maîtres de la Renaissance, tout en étant également attiré par les expériences plus récentes d’Annibal Carrache et du Caravage. En 1603, il est envoyé en mission diplomatique à Madrid, ce qui lui permit d’étudier soigneusement les collections royales. Il revient à Mantoue après de brefs séjours à Rome et à Gênes, puis le décès de sa mère le ramène à Anvers. En 1608, tout en dirigeant un important atelier, il entre au service des régents de Flandres. Il illustre son bonheur conjugal avec son épouse Isabelle Brandt et exécute d’importantes commandes pour la cathédrale et les jésuites. Tout en poursuivant son activité diplomatique, il réalise de grands cycles décoratifs pour les cours d’Europe à partir des années 1620 ; Son épouse meurt en 1626. Il se remarie en 1630, et continue sa double activité de peintre et diplomate jusqu’à sa mort à Anvers en 1640.

L'Adoration des Mages, 1609-1628, Pierre Paul Rubens, Madrid, Museo del Prado

L’Adoration des Mages, 1609-1628, Pierre Paul Rubens (Madrid, Museo del Prado). Réalisée à l’initiative de Nicolas Rockox, le bourgmestre d’Anvers, la toile est une des commandes publiques les plus importantes après le retour de Rubens d’Italie, lorsque se sont conclues les négociations de paix entre l’Espagne et les Pays-Bas avec la « Trêve de douze ans ». En 1623, la toile entra dans la collection de Philippe IV et Rubens put la revoir lors de son second voyage à la cour espagnole. Il intervint de nouveau sur la toile, agrandie dans sa partie supérieure et dans sa partie droite. Le peintre s’est représenté dans le cortège des Rois mages (à l’extreme droite), tournant le buste avec élégance.

L'Adoration des Mages, 1609-1628, Pierre Paul Rubens

La scène nocturne est éclairée avec diverses sources de lumière : la lumière naturelle de la lune, la lumière artificielle des torches et l’irradiation surnaturelle de l’Enfant Jésus. Depuis la forte lumière rayonnant à partir de l’Enfant jusqu’à l’angle en haut à droite, on peut tracer la diagonale majeure sur laquelle est construite toute l’œuvre. Le groupe d’hommes et d’animaux qui ferme le cortège, compose des lignes sinueuses qui créent l’harmonie de la dynamique géométrique du baroque.

Dans sa carrière artistique, Rubens réalise une synthèse de toutes les œuvres qui l’ont précédé. Il assimile, développe et amplifie l’héritage de plusieurs artistes : le CaravageMichel-Angele Tintoret, le Greco, et Véronèse, avec son propre talent et beaucoup d’imagination. Dans certaines commandes de caractère officiel, comme dans le magnifique cycle des Allégories de Maria de Médicis, l’artiste dut avoir recours à sa prodigieuse culture et à ses connaissances encyclopédiques de la mythologie, pour faire de la vie un peu terne de la reine, un vrai opéra orchestré avec toute sorte de pièces. L’élan vital qui émane de sa prolifique carrière, son extrême fécondité, l’énergie de son travail et la rapidité avec laquelle il exécute ses tableaux lui ont valu à Rubens le surnom de « Homère de la peinture » par Delacroix. En effet, Rubens aborde tous les thèmes avec enthousiasme. Encouragés par une même inspiration, tableaux profanes et religieux, thèmes mythologiques et portraits se succèdent rapidement. Son caractère baroque est mis en évidence dans la forme, le mouvement, le rythme, l’exubérance de la couleur, dans des scènes quelquefois pathétiques ou dramatiques, emphatiques, passionnées.

Le Débarquement de Marie de Médicis à Marseille, 1632-1635, Pierre Paul Rubens

Le Débarquement de Marie de Médicis à Marseille, 1622-1625, Pierre Paul Rubens (Paris, Musée du Louvre)

Le lyrisme, l’éloquence et la sensualité que l’on trouve dans toute l’œuvre du peintre apparaissent dans ses premières compositions des années 1600, comme dans la Susanne et les vieillards. Ce goût pour les formes opulentes et les nus généreux, cette vitalité et ce panthéisme se feront, vers la fin de sa carrière, plus intimes dans les portraits de son dernier amour, Hélène Fourment. Les hommes et les femmes de Rubens semblent sortis d’une race de géants, qui rappellent les nus de Michel-Ange, le génie que Rubens a tant observé et copié pendant sa visite à la Chapelle Sixtine.

Suzanne et les vieillards, 1609-1610, Pierre Paul Rubens

Suzanne et les vieillards, 1609-1610, Pierre Paul Rubens (Madrid, Academia de Bellas Artes de San Fernando). Dans cette œuvre, Rubens offre la même image charnelle, sensuelle et iconique de la femme, pour toujours l’héroïne de ses tableaux.

Rubens était un érudit, un humaniste chrétien, un homme de lettres passionné de l’Antiquité, an architecte dilettante et un écrivain qui parle avec fluidité le latin, le français, l’espagnol et moins souvent l’anglais. L’aumônier de la cour de Bruxelles le considère l’homme le plus culte du monde, mais Rubens était aussi un habile homme d’affaires prudent et un génie de l’organisation qui fonda des ateliers de peinture, célèbres dans toute l’Europe, avec le but de former des assistants et des collaborateurs qui l’aideraient à projeter ses idées dans nombre de toiles, sculptures, tapisseries et gravures.

Les Quatre Philosophes, 1611-1612, Pierre Paul Rubens, Florence, Palais Pitti

Les Quatre Philosophes, 1611-1612, Pierre Paul Rubens, (Florence, Palais Pitti). Les quatre personnages sont, de gauche à droite, Pierre Paul Rubens, le philosophe d’origine allemande Jan Woverius, le philosophe flamand Juste Lipsio et Philippe Rubens, élève de ce dernier et frère du peintre. Le paysage à l’arrière-plan suggère que la scène est située à Rome, mail il évoque un moment imaginaire car les quatre personnages ne se sont jamais rencontrés dans cette ville. Le buste de Sénèque rappelle que Juste Lipsio a étudié la pensée de ce philosophe latin et cherche à faire revivre le stoïcisme en le rapprochant des principes chrétiens.

Le Combat des Amazones, vers 1615, Pierre Paul Rubens, Munich, Alte Pinakothek

Le Combat des Amazones, vers 1615, Pierre Paul Rubens (Munich, Alte Pinakothek). Rubens a représenté de nombreuses scènes de l’Antiquité comme dans ce tableau où l’artiste combine le baroque avec le classicisme. Ici, il représente l’épisode qui évoque la lutte acharnée qui affronta les Athéniens commandés par Thésée et les Amazones commandées par sa reine Hippolyte, sur le pont du fleuve Thermodon. Dans un mouvement violent, hommes, femmes et chevaux se jettent ici les uns sur les autres comme dans un éclat de force en trois dimensions.

Rubens et la femme la plus belle d’Anvers

Il fallait un Rubens amoureux pour peintre « cette Hélène d’Anvers qui surpassait largement Hélène de Grèce », mots qui viennent du poète Jan Caspar Gevaerts, ami d’enfance de l’artiste. La réussite de Rubens dans sa vie privée, qui contraste avec ses échecs diplomatiques pour rétablir la paix, l’incitèrent dans ses dernières années à multiplier les images du bonheur familial. Pour oublier son énorme chagrin causé par la mort en 1626 de sa première femme Isabelle Brandt, Rubens avait participé à des nombreuses missions importantes et avait réalisé de nombreuses commandes. Invité à la cour par Charles Ier d’Angleterre qui l’avait nommé chevalier, Rubens avait réalisé le grand décor du plafond de la salle du Banquet à Westminster, mais le succès diplomatique avait été très inférieur au succès obtenu comme peintre. L’Angleterre avait signé un accord secret avec la France à son insu et Rubens agacé est rentré à Anvers en 1630. Il venait de dépasser la cinquantaine et c’est alors qu’il connut une jeune fille de seize ans, Hélène Fourment, fille cadette d’un riche négociant en tapisseries Daniel Fourment, « la femme la plus belle du monde d’Anvers » (au dire du cardinal-infant Ferdinand d’Autriche). Des nombreux tableaux sont souvent prétextes à mettre en valeur les formes plantureuses et nacrées d’Hélène, comme Le Jardin d’AmourLes Trois Grâces et Le Jugement de Paris. Hélène lui inspirerait quelques-uns des portraits les plus personnels et intimes de sa carrière d’artiste, dans lesquels l’artiste donne une représentation fraîche et émouvante de sa jeune femme et de ses enfants : depuis l’Artiste et Hélène dans leur jardin d’Anvers ; en passant par Hélène Fourment avec deux de ses enfants et par la Petite Pelisse, c’est le même hymne à la joie de vivre, à la tendresse émouvante du bonheur familial.

Le Jardin d'Amour, vers 1632-1633, Pierre Paul Rubens, Madrid, Museo del Prado

Le Jardin d’Amour, vers 1632-1633, Pierre Paul Rubens (Madrid, Museo del Prado). Le mariage de Rubens avec Hélène le 6 décembre 1630 fut probablement le principal motif pour la réalisation de cette œuvre. Le grand nombre de dessins préparatoires que Rubens réalisa nous indiquent le soin particulier que l’artiste avait pris pour son exécution.

Le Jardin d'Amour, vers 1632-1633, Pierre Paul Rubens

On peut reconnaître son épouse dans le personnage féminin principal et la maison de l’artiste dans le cadre architectonique. Le tableau est une recréation d’une idyllique scène courtisane galante, sans aucun but narratif, où des personnages d’apparence réelle se mélangent avec d’autres personnages mythologiques. Les petits amours dans l’air portent des symboles de l’amour conjugal. Les fontaines des trois Grâces et de Vénus font allusion à l’amour féconde. L’ensemble est donc une exaltation de l’amour et du bonheur conjugal.

Promenade dans le jardin d'Anvers, vers 1631, Pierre Paul Rubens

Promenade dans le jardin d’Anvers, détail d’Hélène Fourment, vers 1631, Pierre Paul Rubens (Munich, Alte Pinakothek)

Le Jugement de Paris, 1638-1639, Pierre Paul Rubens, Madrid, Museo del Prado

Le Jugement de Paris, 1638-1639, Pierre Paul Rubens (Madrid, Museo del Prado). Mercure est reconnaissable grâce à son couvre-chef ailé, aux ailes de ses sandales et à son caducée. Le messager des dieux a reçu mission de remettre la pomme d’or à Paris. Paris à la tache difficile de choisir celle des trois femmes, Junon, Vénus ou Minerve, à laquelle donner la pomme d’or. Le jeune berger finira pour choisir Vénus qui apparaît au centre, couronnée d’une guirlande de fleurs par un « putto ». Minerve, déesse de la sagesse, reconnaissable par l’armure qui se trouve à ses pieds, fait une sorte de révérence accompagné d’un pas de danse pour tenter d’être l’élue. Junon, à l’extrême droite, accompagne rythmiquement Minerve dans une sorte de danse et s’incline vers Paris.

Diane et ses nymphes surprises pour des satyres, 1639-1640, Pierre Paul Rubens

Diane et ses nymphes surprises pour des satyres, 1639-1640, Pierre Paul Rubens (Madrid, Museo del Prado). Le tableau appartient à la dernière époque la plus sensuelle et poétique de Rubens, où il démontre sa maîtrise du mouvement, réalisant une composition ouverte et très dynamique. Le tableau à été peint avec la collaboration d’autres artistes, comme Frans Synders pour les animaux et Jan Wildens pour le paysage. L’œuvre faisait partie d’une série de dix-huit peintures destinées au plafond du château de l’Alcazar de Madrid. L’ensemble est une apologie à l’adresse du chasseur et aux qualités nécessaires pour un bon gouvernement, comme hommage au jeune héritier du trône, le prince Balthazar Charles.

L’atelier de Rubens

Au moment de sa maxime splendeur, le nombre de commandes dans l’atelier d’Anvers était tellement élevé qu’un seul homme ne pouvait pas les réaliser, c’est pourquoi, comme arrivait souvent à l’époque, Rubens dû mettre en place une véritable organisation, une sorte de fabrique de tableaux. Pendant sa visite à l’atelier en 1621, un an avant la commande de la galerie Médicis, le médecin du roi du Danemark, Otto Sperling, se rappelait avoir vu « une grande salle sans fenêtres, uniquement éclairée par une ouverture dans le plafond. Il y avait là nombre de jeunes peintres, travaillant à différentes toiles, pour lesquelles Rubens avait exécuté des dessins à la craie, indiquant ça et là les couleurs, et qu’il terminait lui-même par la suite. L’ouvre passait alors pour un Rubens. » De fait, sur le mille quatre cents numéros du catalogue de Rubens, environ un tiers sont des « modèles » peints à l’huile sur bois, que reproduisaient grandeur nature les artistes de son atelier, dont certains étaient aussi célèbres que Van Dyck ou Jordaens, avant que le maître n’y posât les touches finales ou n’exécutât personnellement les figures principales. Jan Bruegel l’Ancien, fils cadet de Pieter Bruegel l’Ancien, fut l’ami et collaborateur de Rubens, réalisant en particulier des fleurs et des paysages. Il sut aussi s’adjoindre un graveur fidèle, Lucas Vosterman, pour diffuser ses œuvres. Cette remarquable organisation et la rapidité d’exécution fit beaucoup pour la renommée Européenne de Rubens.

Allégorie de la Vue, 1617, Jan Bruegel l'Ancien et Pierre Paul Rubens

Allégorie de la Vue, 1617, Jan Bruegel l’Ancien et Pierre Paul Rubens (Madrid, Museo del Prado). La scène se déroule dans un cabinet de collectionnisme où sont représentées plusieurs œuvres de Rubens, hommage évident de Bruegel au peintre. Le tableau fait partie de la série des Cinq Sens offerte par le duc Pfalz-Neuburg au cardinal infant don Fernando. Le personnage féminin, identifié comme Vénus, à laquelle Cupidon montre des œuvres d’art représente l’allégorie de la Vue.

Jacob Jordaens

Après une intense activité dans l’atelier de Rubens auprès duquel il assouplit sa technique, Jacob Jordaens (Anvers 1593 – 1678) s’affirme comme un peintre complet. La peinture de Jordaens se différencie de la manière aristocratique et pleine de magnificence de Rubens et de Van Dyck par un style plus immédiatement expressif, sanguin et sensuel, qui ramène les thèmes religieux et mythologiques à une dimension terrestre et bourgeoise, dépourvue d’implications intellectuelles. Sans jamais avoir entrepris de voyage en Italie, il élabore de nouvelles voies sous l’influence des caravagesques et de Jacopo Bassano. Parmi ses œuvres les plus connues figurent Le Satyre et le paysanLe roi boit et Pan et Syrinx. On trouve une recherche plus approfondie de la valeur picturale de la lumière dans les œuvres réalisées entre 1625 et 1630 comme dans La Fécondité de la terre, considérée comme son chef-d’œuvre. De 1630 à 1660 Jordaens multiplia les variations sur ses thème préférés, spécialement Le roi boit, le Concert de familleLe Satyre et le paysan, d’une coloration tout à fait populaire, avec une accentuation du réalisme qui le conduit à intensifier le goût baroque dans la couleur, dans la forme, dans les mimiques et les expressions franchement triviales de ses personnages. En même temps, il chercha à se rapprocher de la manière du Rubens de la dernière période, où la couleur se défait et liquéfie presque les formes (Vénus, 1640 et Hercule et Déjanire, 1649).

Hommage à Cérès, vers 1619, Jacob Jordaens, Madrid, Museo del Prado

Hommage à Cérès, vers 1619, Jacob Jordaens (Madrid, Museo del Prado). Cérès, la déesse de la Terre, apparaît comme une statue sur un piédestal avec ses attributs : couronnée de blé et tenant une corne remplie de fruits, symbole de l’abondance et de la fécondité qui la caractérise. Elle reçoit l’hommage d’un groupe de paysans, qui lui offrent les produits de la terre qu’ils cultivent. Cette déesse apprit aux humains à utiliser la charrue à laquelle fait allusion le peintre en incluant des bœufs dans le tableau. Cérès incarne aussi le changement des saisons, c’est le cycle de vie, représenté ici par les personnes d’âges différents qui entourent la déesse : enfants, jeunes, adultes et personnes âgées. Même le début d’une nouvelle vie se reflète dans la grossesse de la déesse. La peinture datant des premières années d’activité de l’artiste est influencée par l’art vénitien qui à cette époque exerce une grande influence sur Jordaens.

Le Satyre et le paysan, 1620-1621, Jacob Jordaens, Munich, Alte Pinakothek

Le Satyre et le paysan, 1620-1621, Jacob Jordaens (Munich, Alte Pinakothek). Le paysan, qui a soufflé auparavant sur ses mains pour les réchauffer, souffle à présent sur une cuillère de soupe pour la refroidir, ce qui provoque l’étonnement du satyre. Levant l’index en un geste de réprimande, le satyre taxe de duplicité « ce qui sort de la bouche du paysan », c’est-à-dire son haleine, qui peut être chaude ou froide. Les membres de la famille du paysan n’ont aucunement peur du satyre : cette scène inspirée d’une fable d’Ésope, renvoie à l' »âge d’or » où les hommes côtoyaient en toute sérénité les divinités ou démons des bois et des campagnes.

Anton van Dyck

Artiste précoce, Anton van Dyck (Anvers 1599 – Londres 1641) se consacre principalement au portrait. Fils d’un riche marchand de soie, il ouvrit son propre atelier en 1615 après un apprentissage chez Van Balen ; en 1618 il était maître de la guilde et collaborateur de Rubens. Il reste dans sa ville natale. Après un bref séjour en Angleterre (1620, en Italie (1621-1626) principalement à Gênes, mais visita Rome, Florence, Bologne, Venise et Palerme. Les portraits d’aristocrates génois représentent le sommet de la production de Van Dyck pendant son séjour italien (Portrait de la Marquise Elena Grimaldi). De retour à Anvers, il commença une intense activité, en devenant en outre peintre de cour de l’archiduchesse Isabelle (1628-1629) ; en 1631, il s’établit en Angleterre, où il fut nommé chevalier et peintre officiel du roi Charles Ier et y resta jusqu’à sa mort, exceptés quelques brefs séjours dans les Flandres (1634) et à Paris (1641).

Autoportrait, 1622, Anton van Dyck, Saint-Pétersbourg, Musée de l'Hermitage

Autoportrait, 1622, Anton van Dyck (Saint-Pétersbourg, Musée de l’Hermitage)

La période italienne marque pour Van Dyck un premier dépassement de la manière de Rubens à travers l’étude assidue des grands maîtres de la Renaissance, comme en témoigne, un carnet d’ébauches conservé au British Museum, en particulier l’influence du Titien, qui conduisit l’artiste à utiliser une palette plus douce. Sa maturité stylistique se manifeste dans une série de portraits exécutés dans la tradition flamande, souvent à figure entière, avec des paysages abaissés qui soulignent la grandeur des personnages.

Sir George Villier et Lady Catherine Manners, 1620-1621, Anton van Dyck

Sir George Villiers et Lady Catherine Manners en Adonis et Vénus, 1620-1621, Anton van Dyck (Malibu, Paul Getty Museum). Les deux époux se sont fait représentés en Adonis et Vénus, c’est l’un des rares exemples de portrait allégorique dans l’œuvre de Van Dyck. D’une originalité très audacieuse pour son époque, ce tableau était probablement destiné aux appartements privés du couple. Le bond affectueux du chien du futur duc de Buckingham est splendide. Le chien est un symbole de fidélité, ainsi que le lierre qui s’accroche au tronc d’arbre symbolise la fidélité et l’amour éternel des conjoints.

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