En images : Sandro Botticelli, maître du portrait renaissaissant
Portraits raffinés, visages presque en état de grâce, compositions audacieuses : l’exposition présentée au Musée Jacquemart-André, à Paris, rend hommage à l’un des plus grands artistes de Florence.
« Botticelli recueille à la mort de son maître, Fra Filippo Lippi, le fils de ce dernier encore adolescent, Filippino. Commence alors une période féconde où les deux amis exécuteront plusieurs œuvres à quatre mains. Cette copie d’une composition célèbre de Botticelli qui, aux Offices, forme un pendant avec la découverte du corps d’Holopherne, a sans doute été réalisée par Filippino à la demande d’un commanditaire dont on ne sait malheureusement rien. Il n’était pas rare en effet que certaines œuvres populaires soient déclinées en plusieurs versions afin de satisfaire une demande alors en pleine expansion. »
« Les sujets de dévotion, dont le thème de prédilection est la Vierge à l’Enfant, constituent une part très importante de la production de l’atelier de Botticelli. C’est sur ces modèles qu’il se forme au sein de l’atelier de son maître Fra Filippo Lippi et qu’il réussit à développer un style tout à fait personnel et si caractéristique. Ici, Botticelli expérimente avec un sujet qu’il n’exploitera quasiment pas – sauf dans le retable Bardi et ses dérivés : une Vierge allaitant. Ce motif a sans doute été inspiré par certaines compositions de ses contemporains et révèle l’œil attentif du jeune peintre pour les travaux de ses pairs. »
« Fra Filippo Lippi est le grand représentant de la peinture du milieu du XVe siècle. Il accueille le jeune Botticelli au sein de son atelier au début des années 1460. Ses sujets de prédilection sont des thèmes religieux, notamment celui de la Vierge à l’Enfant, dont les nombreuses déclinaisons constitueront de véritables modèles pour toute une génération d’artistes. Botticelli offre une version très proche du modèle de son maître dans un tableau aujourd’hui conservé au Louvre et qui pourtant s’en distingue grâce à des variations subtiles. »
« L’atelier de Botticelli produisait également des peintures de meuble et destinées à la décoration des murs des demeures patriciennes. Cette scène représentant le jugement de Pâris a probablement été réalisée à son retour de Rome après 1482. On y retrouve en effet des motifs déjà utilisés dans les fresques de la chapelle Sixtine (1481-1482). Ce panneau imposant a été pensé et dessiné par le maître qui fut cependant aidé dans sa réalisation par l’un de ses collaborateurs fidèles : le maître des bâtiments gothiques, aujourd’hui identifié comme Jacopo Foschi. »
« La Madone au livre est l’un des grands chefs-d’œuvre des années 1480. Botticelli y révèle sa grande maîtrise de l’espace et une attention toute particulière pour les détails qui viennent enrichir sa composition. Le jeu des harmonies chromatiques, dominé par le lapis-lazuli du manteau de la Vierge, révèle le talent de coloriste du peintre tout en indiquant un commanditaire prestigieux, le lapis-lazuli étant un pigment très onéreux et généralement utilisé avec parcimonie. Le visage de la Vierge a atteint une perfection que Botticelli déclinera avec constance dans les scènes sacrées comme dans les sujets profanes. »
« A la toute fin des années 1480, Botticelli produit un certain nombre de grands retables d’autel, dont le registre supérieur représente un couronnement de la Vierge. Un dessin préparatoire, exposé en regard, est sans doute le prototype utilisé afin de reproduire cette scène au fil des années. Le registre inférieur varie, quant à lui, en fonction des commanditaires. Il s’agit ici d’un retable commandé pour l’abbaye de Volterra et qui est présenté pour la première fois depuis leur séparation avec quatre des cinq petits panneaux qui formaient sa prédelle. »
« Botticelli avait déjà représenté l’histoire biblique de Judith dans un petit panneau de jeunesse. Il propose une version très différente quelque vingt-cinq ans plus tard alors que la cité de Florence ploie sous l’influence du moine Savonarole. Ce dernier déclame des prêches violents aux accents apocalyptiques, prônant un retour à l’austérité. La réaction de Botticelli est une rupture de style très nette que cette nouvelle interprétation du mythe révèle : les couleurs sont contrastées, le geste se théâtralise et rompt avec la vision de beauté gracieuse du tableau de jeunesse. »
« Ce Christ en croix est un objet de procession. Il est peint sur les deux faces et reprend des modèles anciens remontant au début du siècle, en particulier les grands crucifix sculptés et polychromes. Dans la tentative de répondre au goût de sa clientèle, qui a fondamentalement changé sous l’influence de Savonarole, Botticelli tente différentes approches. Dans cette œuvre, il transforme la violence des prêches en un sentiment de sacrifice accepté et apaisé, renouant ou faisant vivre encore en ces temps troublés un art fondamentalement dominé par la grâce. »